L’évasion fiscale en Algérie est estimée à près du double de ce que les contribuables apportent au Trésor public, selon certains analystes. Mais en l’absence de statistiques globales et précises, l’ampleur des dégâts demeure sous-évaluée. Pour s’en convaincre, il suffit de voir le nombre des transactions financières établies hors circuit bancaire. La Banque d’Algérie avait, elle-même, reconnu être incapable de maîtriser le flot des sorties et des rentrées de billets bancaires.
A ce dysfonctionnement vient se greffer le préjudice causé par l’économie informelle, première à être mise en cause dans ce déficit qui avoisinerait les dizaines de milliards de dinars par an. Des sommes faramineuses à même de financer des plans de développement et assurer à des milliers plusieurs postes d’emplois. A ce stade, on peut confirmer, sans aucune volonté d’exagérer, que les mécanismes de lutte contre ce phénomène sont peu efficaces pour ne pas dire désuets.
Révision des systèmes de contrôle
Condition n En l’absence de stratégie de développement et de mesures de contrôle rigoureuses, l’éradication de l’évasion fiscale, soutenue par l’économie souterraine, est une pure illusion.
On l’estime à plus de 173 milliards de dollars en trente ans. Un volume qui dépasse tout entendement et cause un sentiment d’inefficacité du système. Un rapport de la Banque africaine de développement (BAD), publié au mois de mai dernier, a classé l’Algérie parmi les cinq premiers pays perdants en Afrique. Un véritable paradis fiscal, peut-on aussi lire dans ce rapport corroboré par un Groupe d’action financière basé en France.
Ce constat, peu reluisant, a été confirmé presque à demi-mot par le ministre des Finances qui parle d’un préjudice de 110 milliards de dinars en moins de deux ans, soit une perte de 1,53 milliard de dollars.
Un déficit qui pourrait vraisemblablement connaître une ascension considérable dans les années à venir à la faveur de la croissance démographique que connaît le pays et de l’amenuisement des ressources en hydrocarbures, avertissent les économistes.
Aussi, ces derniers appellent à la mise en place urgente d’un système fiscal fiable. Et pour en arriver là, une réforme globale de l’économie nationale s’impose. Aujourd’hui, l’influence des transactions informelles freine sensiblement la progression des traitements par chèques bancaires ou par carte électronique.
Et ce n’est pas en augmentant le nombre de douaniers et de contrôleurs du fisc, qu’on va mettre un terme à cette situation. Sans vouloir jeter l’éponge, les banques attestent ne pas être en mesure d’explorer toutes ces masses financières qui entrent et qui sortent de leurs caisses dont elles ne connaissent ni la source et encore moins la destination.
Une asthénie fonctionnelle qui ne peut s’expliquer que par une complaisance inavouée de certaines autorités, de l’avis de nombreux observateurs.
Une réflexion qui repose sur l’absence de textes de loi obligeant tout opérateur à remettre les billets dans les banques, ne serait-ce que pour les taxes applicables aux transactions commerciales. Une telle mesure pourrait bel et bien mettre un peu d’ordre et de transparence dans cette activité, voire dévoiler au grand jour les grosses fortunes. C’est pourquoi la question de savoir pourquoi les pouvoirs publics ne prescrivent pas cette procédure, se pose et s’impose.
C’est dire combien il est important de renforcer la réglementation en vigueur par de nouveaux mécanismes à même de dissuader toute velléité de fuir le fisc et absorber les flux financiers illégaux.
Assia Boucetta