Les différents décryptages des avocats et des juristes concernant l’affaire dite El Khabar et l’entêtement du ministre de la Communication à piétiner la loi confirment, à l’unanimité, que Hamid Grine a mis le doigt dans l’engrenage et s’est, imprudemment, lancé dans une entreprise dont les résultats ne peuvent être que néfastes.
C’est ce qu’a affirmé, hier, Mme Fatiha Benabbou, constitutionnaliste, dans un entretien à nos confrères d’El Khabar. Elle a expliqué, d’abord, que dans le bras de fer qui oppose El Khabar au département de Hamid Grine, ce dernier “n’a pas la qualité du plaignant” pour porter plainte afin d’annuler une cession d’actions d’un groupe de presse au profit d’une autre société.
Mme Benabbou a ajouté que le ministre n’est pas fondé pour “supprimer” l’Autorité de régulation de la presse écrite, prévue dans la loi organique relative à l’information de janvier 2012. La constitutionnaliste a indiqué qu’en respect des parallélismes des formes, “une loi organique vient juste après la Constitution”. Cela dit, “son amendement exige un long parcours”. Et nul ne peut annuler des articles d’une loi organique “avec une simple décision ministérielle ou une instruction”. Mme Benabbou a indiqué que la procédure d’amendement exige l’aval des deux Chambres du Parlement qui doivent voter avec la majorité des 2/3 des voix.
Elle a souligné que même en cas d’amendement, la future loi ne pourra pas avoir un effet rétroactif. Cela dit, et contrairement à ce que veut imposer Hamid Grine, l’affaire El Khabar doit être traitée dans le cadre de la loi en vigueur. Donc, c’est à l’Autorité de régulation de statuer sur l’affaire. Interrogée sur la plainte en référé déposée par le ministère, Mme Benabbou a indiqué que l’affaire “n’a pas ce caractère urgent”, de ce fait, prédit-elle, “le juge du tribunal administratif de Bir-Mourad-Raïs ne va pas juger l’affaire”. Mme Benabbou, qui a dit préférer que l’affaire soit traitée par un tribunal, craint que cette même institution fasse abstraction de la loi.
“Je crains que la justice ne soit pas indépendante et obéisse à des injonctions”, a-t-elle dit, soulignant que par le passé la justice de la nuit avait sévi. “Dans ce cas de figure, je suppose que le juge ne rendra pas son verdict en toute liberté et avec impartialité”, a-t-elle ajouté. Toujours dans le même ordre d’idées, elle a expliqué que l’affaire “est éminemment politique”, abstraction faite “de son côté juridique”, parce qu’elle est liée “à la non-application de la loi sur tous”. Mme Benabbou, dans une allusion à Ali Haddad, patron de FCE, a dit que “des personnes détiennent plus d’un titre et plus d’une chaîne de télévision”.
Elle s’est interrogée sur la non-application de la loi à ces personnes, estimant que c’est la politique des deux poids, deux mesures qui est appliquée. Elle a ajouté que le monopole médiatique évoqué dans l’affaire El Khabar est sans fondement, car d’autres ont construit “des empires médiatiques” sans pour autant être inquiétés. Concernant les attaques de Hamid Grine contre des journalistes qu’il accuse de vouloir noircir l’image du pays, Mme Benabbou a estimé que cette déclaration “est dangereuse”, du fait qu’elle désigne comme “traître” celui qui ne partage pas “les orientations du gouvernement”.