Elle constitue la destination première des migrants de l’Afrique,L’Algérie carrefour des flux migratoires

Elle constitue la destination première des migrants de l’Afrique,L’Algérie carrefour des flux migratoires

Des candidats à l’émigration des pays de l’Afrique centrale et de l’Ouest transitent par le ghetto de Faladié, situé au sud-est de Bamako. Cette escale clandestine leur permet de rêver, d’ouvrir de nouvelles pistes pour remonter jusqu’aux côtes européennes, en passant évidemment par le Sud algérien

Il est un peu plus de 9 heures du matin et il n’a pas fallu longtemps pour trouver un taxi, juste au pied de l’hôtel et négocier le prix du trajet jusqu’au ghetto de Faladié au sud-est de Bamako. La gare routière de Faladié est au cœur des destinations vers les grandes villes du Nord ou les frontières du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire et du Niger. C’est aussi par la force des choses le point de chute de beaucoup d’hommes, de femmes ayant emprunté les routes de la migration et qui échouent ici à Bamako, bloqués par la crise et la guerre. Didié, un bénévole de l’Association d’aide et de soutien aux migrants refoulés (Aracem) nous attend devant le modeste local. Il sera notre ticket d’entrée dans le ghetto. D’origine camerounaise, ancien migrant rescapé des assauts sur Melilla en 98, il nous dresse la liste des villes. Celles des parcours migratoires remontant vers le nord de l’Afrique à partir du Mali : Gao, Kidal, Tinzaouatine, Tamanrasset puis Oran, Maghnia, direction Melilla et l’Espagne. Mais, la guerre au Nord-Mali est passé par-là. “Depuis la fermeture des frontières avec l’Algérie, les migrants se retrouvent bloqués ici, refoulés ils sont des migrants errants… Le flux, c’est un peu ralenti mais ils sont des centaines à tenter de survivre dans des conditions inhumaines”, raconte Didié.

Des villes et des routes…

Ce sont presque tous les pays de l’Afrique centrale et de l’Ouest que l’on retrouve à Faladié à travers les migrants en attente, traçant dans leurs rêves, les yeux fermés ou ouverts, de nouvelles routes pour remonter jusqu’aux côtes européennes. Tous ont connu ces routes de l’enfer : violence, rackets, agressions, la peur… L’Algérie n’est qu’une étape vers leur quête de l’Europe, le temps de se refaire une santé, le temps de trouver de quoi payer la traversée vers l’Espagne ou l’Italie. Les risques du refoulement les guettent, mais pour chacun d’entre eux il n’est pas question de revenir en arrière, surtout si au pays il y a une famille qui attend. Justin, un Camerounais, a été baigné dans son village par les récits des migrants ayant atteint “l’eldorado”. En 2008, à 25 ans, il décide de partir et réunit avec l’aide de sa mère la somme de 150 000 FCFA. La première partie de son voyage, par bus et en moto, sera émaillée de “droits de passage” dans chaque pays, dans chaque région qu’il traverse sans oublier “les coupeurs de routes” ceux qui repèrent les migrants et les agressent pour les dépouiller.

La seconde étape de son périple emprunte l’axe Gao, Kidal, Tinzaouatine. “Il y avait déjà des affrontements dans cette région et je n’avais pas de papier, à la frontière algérienne on a suivi des passeurs de la région qui nous ont laissés dans la nuit à 6 km de Tamanrasset et c’est à pied que nous avons continué notre route.” Commence alors son séjour de clandestin en Algérie, les dortoirs à 200 DA la nuit à M’dina J’dida, les travaux sur des chantiers, le racisme au quotidien, la peur des rafles mais aussi la générosité de certains. Après Oran, Justin ira à Sétif toujours dans l’espoir de gagner plus d’argent. C’est là qu’il se fait arrêter et connaîtra l’autre longue route, celle du refoulement. Après quelques mois passés à Gao, Justin retentera la traversé de l’Algérie où il sera, une seconde fois, arrêté sur la route menant à Maghnia.

Repartir encore et encore

Il y a aussi Arnaud, de la République démocratique du Congo (RDC). Après le massacre de sa famille à l’époque de Kabila père, il décide de partir. Son objectif : la Libye, y travailler comme peintre en bâtiment avant de rejoindre l’Italie. Le désert du Ténéré, il en sortira de justesse après 3 jours de convois en 4X4 avec d’autres migrants sous 45° C. Un guide les conduit jusqu’à la ville de Djanet et de nuit les amènent vers la frontière algéro-libyenne.

“Le guide nous a menés jusqu’à une dune, d’où l’on apercevait les lumières d’une ville libyenne, c’est là que des hommes en turban et armés nous ont attaqués en tirant, c’était la panique… Ils nous ont regroupés et nous ont ordonnés de nous déshabiller, complètement, les hommes comme les femmes… Ils ont pris l’argent, entraîné les femmes puis tiré pour nous disperser. Longtemps après, nous sommes revenus pour récupérer nos habits restés sur place et nous avons continué seuls. Sur les pistes, j’ai vu beaucoup de squelettes, mais que veux-tu, on n’a pas le choix, on doit continuer et recommencer.” Son périple prendra fin 6 mois plus tard dans une embarcation en partance pour Lampedusa et qui dérivera des jours durant. Tous veulent repartir, reprendre les routes du désert. Les routes de l’enfer, comme ils le disent eux-mêmes.

D.