En fait, les plans des groupes varient selon les situations mais l’objectif demeure le même, les rançons
Le hasard a voulu que le démantèlement de ce réseau de grand banditisme soit permis par un accident de la route.
Les verdicts rendus dans les affaires de kidnapping semblent se durcir de plus en plus. Les résultats également s’avèrent de plus en plus probants sur le terrain. Effectivement, le phénomène connaît actuellement un net recul depuis que la justice a durci les condamnations.
En fait, cette tendance à la fermeté avec les groupes de banditisme qui se cachent souvent derrière le terrorisme a commencé depuis l’affaire Slimana qui est survenue un 14 novembre 2010. Cette affaire a eu un grand écho car la victime, pour la première fois, a été lâchement abattue par balle alors qu’il tentait de fuir ses ravisseurs. C’était, en effet, la première et la dernière fois qu’un kidnapping se terminait par un assassinat.
C’était la première et la dernière, car en fait, l’enquête enclenchée par les services de sécurité avait révélé des faits troublants. Les auteurs, pour leur majorité, étaient des gens de la région. Il n’y avait parmi les accusés qu’un jeune venu de loin, Antikan de Tamanrasset, acquitté d’ailleurs par le tribunal.
Le hasard a voulu que le démantèlement de ce réseau de grand banditisme soit permis par un accident de la route. Un inconnu avait signalé le véhicule de type Golf qui avait percuté un poteau électrique avant de s’immobiliser. Les usagers, à trois, avaient abandonné le véhicule que les gendarmes découvriront appartenir à un certain T. Boussad. L’homme est connu par les services de sécurité, ayant déjà purgé une peine de 7 ans à Aflou. Les investigations menées mèneront alors les enquêteurs sur la piste de 13 autres personnes qui seront arrêtées par la suite.
Enlèvement des victimes
Les 14 personnes, révèlent des sources proches de l’affaire, étaient impliquées dans près d’une vingtaine d’autres affaires de banditisme. Le groupe était spécialisé en se cachant derrière le terrorisme qui infestait parallèlement la région dans les faux barrages, les incursions dans les bars, mais surtout des kidnappings et des enlèvements. L’enlèvement des victimes Ibarar Lounès, le 4 juillet 2010, Mehadi Nourdine, le 9 décembre 2010 et enfin Hand et Omar Slimana, le 14 novembre 2010. L’enquête révèlera également que les auteurs agissaient encagoulés et portant les habits afghans en se faisant passer pour des terroriste activant sous la bannière d’Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi).
Devant le juge, les accusés ont dû répondre pour huit chefs d’inculpation dont constitution de groupes de malfaiteurs, homicide volontaire avec préméditation, enlèvement à l’effet de demande de rançon, vol qualifié avec utilisation d’armes à feu, commercialisation d’armes et munitions de guerre de la catégorie 4, port d’arme de guerre sans autorisation et blanchiment d’argent de provenance criminelle. Le jugement rendu devait servir d’exemple à ces groupes criminels qui ont semé la peur parmi les populations de la wilaya durant plusieurs années auparavant. Sur les 14 accusés, huit ont écopé de la peine de mort. Il s’agit de Tchatchi Youba et de son frère Tchatchi Boussad, Ibouchouken Sofiane et de son frère Ibouchouken Hassan, Amir Lyès, Khelifi Sadek, Semadi Omar ainsi que Selah Djamel condamné par contumace car étant toujours en fuite. Six autres prévenus ont été condamnés à des peines d’emprisonnement allégées comparativement aux peines requises par le procureur de la République. Boukhari Abderrezak a écopé de 8 ans de prison, Adour Rabah, 5 ans et le dernier, Boukersi Mohand à une peine de 3 ans de prison.
Ces lourdes peines auront un effet dissuasif qui apparaît dès les premières semaines qui s’ensuivront. Les réseaux de kidnapping risquent gros. Les éléments qui les composent reculeront de plus en plus de par le nombre et les actions. Les services de sécurité ont frappé fort et leur action a été confortée par la main de fer de la justice.
Enquête enclenchée
Toujours aussi ferme avec ces groupes qui sèment la peur à travers les différentes régions, la justice a prononcé de lourdes peines à l’encontre des 14 personnes impliquées dans le kidnapping et la mort de Hadjou Ghilès en octobre de l’an dernier.
Les faits de cette énième affaire remontent en fait au 14 octobre 2012, lorsque ce jeune, à peine la vingtaine, a été enlevé devant la demeure familiale sise dans la région d’Azeffoun. Il sera retrouvé mort quelques jours plus tard enveloppé dans un sachet en plastique, près d’une plage de la même ville, les mains ligotées.
L’enquête enclenchée par les services de sécurité aboutira, quelques jours plus tard, à l’arrestation de 14 personnes. Ils seront quatorze à comparaître la semaine qui vient de s’écouler devant le juge près le tribunal de Tizi Ouzou. Le verdict apportera, comme lors de l’affaire Slimana, de très lourdes peines. Huit parmi les auteurs du crime ont écopé de la peine capitale. Alors que les autres seront condamnés à des peines allant de huit à dix ans de prison ferme.
En fait, les plans des groupes varient selon les situations, mais l’objectif demeure le même, les rançons. La terreur semée par ces groupes durant plusieurs années a contraint les populations locales à se défendre par leurs propres moyens. Mais est-ce suffisant? Dans leurs actions qui ont, en fait, débuté à Ouacifs, en 2009, les citoyens ont demandé des armes pour se défendre. Ils ont également lancé des appels aux services de sécurité afin de s’investir dans la région après leur retrait en 2001, lors des événements de Kabylie.
75 personnes enlevées
En effet, depuis quelques années, les services de sécurité semblent avoir entendu le cri des populations. Plusieurs groupes de malfaiteurs ont été démantelés à travers la wilaya. Les kidnappings qui ont atteint des proportions alarmantes semblent également baisser d’intensité. Ces derniers ont, en effet, depuis 2005, atteint le record de 75 personnes enlevées. Les ravisseurs visaient essentiellement les commerçants, les entrepreneurs et les membres de leurs familles. Après l’enlèvement, les ravisseurs prennent souvent contact avec les familles pour demander des sommes d’argent qui peuvent aller jusqu’à des dizaines de milliards.
Pour certains observateurs, les groupes en question étaient en connexion avec le terrorisme qui remplit ses caisses pour l’achat des armes. Pour d’autres, cette thèse est battue en brèche par l’identification des auteurs qui ont comparu devant les tribunaux. Ils sont, pour leur majorité, issus de la même région que la victime et ne semblent avoir aucune relation avec le terrorisme. Les deux plus retentissantes affaires du genre jugées confortent, en effet, cette dernière thèse. Lors de l’affaire Slimana, les auteurs se sont avérés de la même localité que la victime. Le même constat a été tiré lors du dernier procès des auteurs de l’enlèvement du jeune Ghilès Hadjou.
Sur un autre registre, la main de fer de la justice et des services de sécurité tombent à point, car estiment des spécialistes du phénomène, la prochaine étape serait la banalisation de l’acte de kidnapping.
En effet, l’absence des services de sécurité pendant une période a laissé le terrain propice au banditisme pour opérer en toute latitude. Le laxisme dont semblaient jouir ces derniers a attiré d’autres groupes et d’autres individus qui n’étaient que de simples délinquants de moindre envergure. La petite délinquance, très répandue à travers les communes, se transformait ainsi, à grands pas, à du grand banditisme avec son corollaire, les enlèvements. La multiplication des incursions dans les bars, les faux barrages et les agressions sont dus essentiellement à l’absence, pendant cette période, des forces de sécurité. Une absence qui, si elle avait duré plus longtemps, aurait entraîné la banalisation de l’enlevement. Cette banalisation de son côté aurait jeté la région dans une insécurité totale.
Enfin, il est à mentionner également l’apport incontournable des populations qui ont recouru aux anciennes structures traditionnelles. Celles-ci ont grandement aidé les forces de sécurité à faire reculer ce phénomène qui a failli jeter la région dans le chaos.