La sclérose de l’Exécutif pourvoyeur de projets de loi, remarquable depuis la maladie et la convalescence du chef de l’État, a entraîné celle du Parlement.
Comme s’il lui manquait de se distinguer dans un travers de plus, le Parlement, dont les plénières sont des plus indigentes, s’est laissé prendre en flagrant délit de piétinement du règlement intérieur de sa chambre basse, laquelle a programmé un vote à la hussarde de deux projets de loi, à quelques jours seulement de la clôture de la session d’automne. C’est sur les relents de la dénonciation fort accentuée de cette entorse commise qu’a eu lieu, hier, le baisser de rideau sur une session dont le menu aura aussi été des plus maigres.
En programmant au pied levé le vote des projets de loi relatifs l’un à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme et l’autre à la lutte contre la violence à l’égard des femmes, le président de l’APN, Mohamed Larbi Ould Khelifa a provoqué de vives réactions chez les entités parlementaires du FFS, du PT et de l’AAV. Et cette agitation, qui a marqué les ultimes séances plénières avant la cérémonie de clôture, a tellement mis à mal Ould Khelifa qu’il n’a pas pu éviter d’y faire référence dans son toast prononcé devant ses pairs et les membres du gouvernement : “L’APN est une institution constitutionnelle qui adopte la liberté d’expression et respecte l’opinion de tous les députés dans la mesure où il s’agit de servir les intérêts du pays, de défendre les droits légitimes et de consacrer le dialogue entre les différentes parties.” La perception que le président de l’APN se fait de la dernière vague de révoltes couvées par son institution n’est pas nécessairement la plus vraie, tant est qu’elle poursuit, d’aucuns l’auront sûrement compris, de taire le malaise que sa décision de chambouler l’ordre du jour des dernières plénières a provoqué. Même s’il est vrai qu’ils usent d’une liberté d’expression, les députés posent, lorsqu’ils se révoltent contre l’acte autoritaire d’Ould Khelifa, le problème de fonctionnement de l’APN. En l’espèce, ils dénoncent la violation d’un texte réglementaire conçu justement pour assurer le bon fonctionnement de l’institution. Mais au-delà du “laxisme” sur les formes enregistré, c’est la nature même du Parlement qui apparaît en filigrane et que la critique happe. Sevré de toute initiative relativement aux propositions, le Parlement fait office de simple chambre d’enregistrement des lois que le gouvernement élabore et lui transmet pour validation.
En effet, dans tout l’arsenal des lois votées depuis le début de la législature actuelle, aucun texte n’est à mettre à l’actif du Parlement. Réduit donc au rôle de mécanique qui se meut par effet d’entraînement que l’action du gouvernement lui occasionne, le Parlement se trouve forcément soumis à des périodes de congélation plus ou moins longues. La sclérose de l’Exécutif pourvoyeur de projets de loi, remarquable depuis la maladie et la convalescence du chef de l’État, a entraîné celle du Parlement.
La réduction notable des Conseils des ministres, mécanisme institutionnel prépondérant en matière d’élaboration de textes de loi, a provoqué la nonchalance d’un Parlement qui, plus est, n’est pas porté sur l’initiative propre. À tel point d’ailleurs que la loi relative à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme a fait l’objet d’un vote contesté par l’APN, étant donné que, non élaborée suffisamment à temps, elle devait être introduite en plein débat sur la loi portant règlement budgétaire au motif d’être dictée par l’urgence. Aussi, contrairement au président de la chambre haute du Parlement, le Sénat, Abdelkader Bensalah, qui s’est réjoui, hier, de ce que cette session d’automne “était satisfaisante dans son ensemble”, le bilan de l’institution parlementaire est maigre.
La loi de finances 2015 reste la seule loi importante votée lors de cette session. Une session qui a vu, par ailleurs, une demande d’ouverture d’un débat parlementaire sur le gaz de schiste rejetée, cela alors que l’exploration de cette ressource énergétique a soulevé tout le Sud algérien et forcé le gouvernement à un grand effort de communication, voire à recadrer ses projections en la matière. La faiblesse du rendement parlementaire est induite aussi par les configurations que la fraude électorale a structurées pour les deux chambres. Avec notamment l’échafaudage d’une majorité suffisante pour valider les projets gouvernementaux, sans trop les altérer.
S.A.I