De nombreuses personnalités des arts et de la culture sont venues hier au théâtre national Mahieddine Bachtarzi rendre un dernier hommage à la grande dame de théâtre, Keltoum, décédée jeudi à l’âge de 94 ans. Elle a été enterrée à El Alia.
Née le 4 avril 1916 à Blida, de son vrai nom Aïcha Adjouri, elle était passionnée depuis sa prime jeunesse par la chanson et le théâtre dans une période où même les hommes avaient du mal à exercer ces métiers qui étaient mal vus par la société. Mais malgré le refus de sa famille,
elle se lança contre vents et marées dans le monde artistique. La ministre de la culture Khalida Toumi, ses anciennes amies telles que Nouria et Farida Saboundji et beaucoup d’autres artistes qui l’avaient connue étaient abattues par l’émotion. La réalisatrice Yamina Chouikh nous déclare :
«Keltoum est une femme courageuse et pleine de talent. Elle a brisé tous les tabous, il faut le faire à son époque… Elle mérite qu’un établissement culturel porte son nom».
Comme la plupart des comédiens, elle débute en 1935 dans la troupe de Mahieddine Bachtarzi, un des pères du théâtre algérien. Avec le début de l’aventure arabe de l’Opéra d’Alger en 1947, Keltoum campera les principaux rôles féminins. La radiodiffusion en langue arabe la compta parmi ses pensionnaires les plus écoutées.
Danseuse, elle mène diverses tournées en Europe, bien sûr en France mais aussi en Belgique. Avec le déclenchement de la guerre de libération nationale en novembre 1954, elle s’engage aux côtés du Front de libération nationale (FLN) avant de reprendre ses activités en 1963 au théâtre algérien. Elle jouera alors avec les comédiens comme Mustapha Kateb, Rouiched, Allal El Mouhib, Hadj Omar, Nouria, Sid Ahmed Agoumi, Alloula et autres comédiens.
Keltoum dans La mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller
Elle a joué dans plus de 70 pièces de théâtre et une vingtaine de films. Le grand public retiendra aussi l’image d’une mère désespérée à la recherche de son fils raflé par l’armée française durant la guerre, tentant d’offrir une poule au soldat et le suppliant de libérer son fils, rôle qu’elle avait tenu dans le film Le vent des Aurès (1966), réalisé par Mohamed Lakhdar Hamina.
Elle jouera également dans Hassan Tero du même réalisateur. Elle prend sa retraite en 1989, mais en 1991, elle remonte sur les planches dans Les Concierges avec Rouiched. Elle campe le personnage de la mère dans la pièce de Abdelhalim Raïs Les enfants de la Casbah, aux côtés de Mustapha Kateb.
Keltoum jouera dans la pièce d’Arthur Miller, La mort d’un commis voyageur, distribuée par la première femme metteur en scène, Fawzia Aït El Hadj.
Elle joua dans Othello de William Shakespeare, traduite en arabe par Ahmed Tewfik El Madani (1952), et eut également à étaler ses dons artistiques dans la pièce Bernada Alba, jouée à Alger en 1989.
B. R.