De quelque côté que vous la preniez, la ville côtière de Tigzirt, de la commune éponyme, demeure partagée entre les couleurs kaléidoscopiques qui attisent la curiosité absolue de l’homme.
Située à 40 km au nord de Tizi Ouzou, cette coquette ville qui vous accueille à bras ouverts suscite intérêt et admiration en raison déjà de son corps qui s’apparente à un puzzle, ayant les pieds dans l’eau et la tête sur la montagne. Sa tête, en effet, repose avec fierté sur le sommet du pic de Mizrana, et son corps est composé, outre de la ville aux ruelles étroites et ses anciennes constructions ayant gardé une belle architecture coloniale, de trois plages connues pour leur calme et la clarté de leur eau.
A l’entrée ouest, le visiteur est vite captivé par le miroir que lui renvoie la grande bleue. On se délecte de cette vue qu’offre l’îlot, posé, là, au milieu de la mer, comme par une main de maître, et où viennent nicher et se reproduire les oiseaux marins. A quelques pas seulement de l’entrée, le nouveau port qui a remplacé l’ancien embarcadère qui a longtemps servi de plongeoir à l’immense piscine bleue, constitue à la fois la fierté et la déception de la population locale. «Joyau mais pas plus», regrette justement Mourad, la trentaine, assis juste à l’entrée du port en face de la presqu’île, ce promontoire calcaire où les gens viennent pêcher à la ligne dans l’hypothétique espoir de voir un poisson mordre à l’hameçon. «Ce port, censé être un principal levier de développement pour toute la région, est devenu un lieu de loisirs. Il y a tout sauf du poisson !», ajoute-t-il avec une pointe de déception que trahit un long soupir.
C’est que, à Tigzirt, on continue de tourner le dos à la mer. Cette mer dont l’horizon est sans cesse scruté par ces jeunes qui ne rêvent que de la traverser un jour. La pêche artisanale prend toujours le dessus dans cette région qui peut pourtant non seulement se contenter de tirer sa subsistance des produits de la mer, mais surtout en faire le principal levier de développement. Au fil des années, les marins pêcheurs en particulier et les populations en général ne cessent de perdre espoir de voir ce vecteur de développement demeurer pour toujours le souffre-douleur de toute cette région.
N’a-t-on pas fait miroiter le lancement, dès le début de l’année 2013, d’un projet algéro-espagnol pour l’élevage de la daurade sur le littoral de Mizrana, dans la daïra de Tigzirt ? Une ferme d’élevage de la daurade avec une moyenne de production de près de 1 650 tonnes/an dans 18 cages flottantes de grand calibre qui seront installées en mer et la création de 50 emplois directs et plus de 150 autres indirects ? «On a jamais cru à la réalisation d’un tel projet, quand on sait que celui du port d’échouage n’a pas été concrétisé», nous dit Karim qui continue de défier la mer chaque jour avec sa petite barque pour aller chercher un mérou dans les profondeurs de l’écume.
«C’est la volonté politique qui fait défaut», ajoute-t-il, non sans dépit et d’ajouter pour étayer ses dires : «Tant de projets annoncés en fanfare, sont tombés en désuétude et dans l’oubli au fil des années.» En dépit de la richesse de sa biomasse, les produits de la mer sont inaccessibles. La sardine, naguère plat du pauvre, a disparu des assiettes des habitants. Ces jours-ci, son prix oscille entre 400 et 500 dinars le kilogramme. Quant aux autres produits de la mer, comme le rouget, le brochet, le mérou…, ils sont tout simplement inabordables à cause de leurs prix qui dépassent tout entendement.
D.I.