La courbe de l’inflation reste, depuis le début de l’année, inexorablement orientée vers le haut, avec un taux qui augmente de manière régulière, alors que le gouvernement semble impuissant face à cette situation.
Le citoyen, désarmé, voit ainsi son pouvoir d’achat, boosté en 2011 par les augmentations des salaires, s’éroder petit à petit. Selon l’Office national des statistiques (ONS), cité par l’APS hier, les prix à la consommation en Algérie ont augmenté de plus de 8% au mois de juillet dernier par rapport à la même période de 2011, accentuant ainsi le rythme d’inflation en glissement annuel qui a atteint 7,5%, contre 7,3% en juin dernier. L’indice des prix à la consommation a enregistré une hausse de 8,20% en juillet 2012 par rapport à la même période de l’année dernière, une hausse tirée essentiellement par l’augmentation de 18% des produits agricoles frais.
Les produits alimentaires en général ont augmenté de près de 10,7% avec 18,1% pour les produits agricoles frais et 4,6% pour les produits alimentaires industriels, indique l’Office des statistiques. Tous les produits nécessaires à la préparation des plats du f’tour (légumes et fruits frais et viande) ont connu une flambée des prix, notamment durant la deuxième quinzaine de juillet qui a coïncidé avec le début de ce mois sacré. Ainsi, tous les produits alimentaires frais ont connu des hausses, notamment la viande ovine (30,3%), les fruits frais (28,7%), les légumes (5,66%), la viande de poulet (16,3%), les poissons frais (15,5%) et la viande bovine avec plus de (8%), selon les chiffres de l’ONS.
En glissement annuel, les produits alimentaires industriels ont connu tous des hausses dont les plus importantes ont concerné les boissons non alcoolisées (19,6%), les sucres (6,7%), les huiles et graisses (4,2%), ainsi que le lait, fromage et dérivés avec 2,6%, relève la même source.
Les produits manufacturés ont également augmenté de plus de 6,5% et les services de 5,3% durant le mois de juillet dernier par rapport au même mois de l’année écoulée. Durant les sept premiers mois 2012, l’indice des prix a connu une forte hausse de 9,12%, en raison d’une augmentation de 11,9% des produits alimentaires dont 19,47% pour les produits agricoles frais et 5,66% pour les produits alimentaires industriels.
Les biens manufacturés et les services ont également enregistré des variations haussières respectivement de 7,6% et de plus de 5%, durant les sept premiers mois 2012, précisent les chiffres de l’office.
Le débat sur la gestion du taux de change refait surface
Depuis un peu plus de deux mois, une dépréciation du dinar, tant par rapport à l’euro que par rapport au dollar américain, est constatée. “C’est donc une dépréciation qui ne peut être expliquée par la fluctuation du cours de l’euro par rapport au dollar, mais une réelle baisse de valeur de la monnaie”, estime
M. Lies Kerrar, président-directeur général de Humilis Corporate Finance. L’effet le plus évident est celui sur l’inflation.
Le président du Forum des chefs d’entreprise affirme ne pas comprendre la politique de la Banque centrale. Sur le plan international, argue-t-il, l’euro, affaibli par la morosité dans la zone euro, a tendance à baisser par rapport au dollar. En outre, l’inflation en Algérie est de type importé. Ces derniers, jours, la tendance des prix des produits de base, le blé, le lait… est à la hausse. Depuis plusieurs semaines, les cours des matières premières agricoles s’envolent en raison de la sécheresse qui sévit aux États-Unis depuis la mi-juin et dans d’autres pays producteurs comme la Russie.
Cela va se répercuter directement sur les prix à l’importation. Le président du FCE estime, au contraire, qu’il faut donner du pouvoir d’achat au dinar, en le revalorisant. Mais certaines lectures avancent qu’à travers la dépréciation de la monnaie nationale, on renforce le Trésor algérien. “Il y a une manipulation monétaire qui enrichit le Trésor algérien”, expliquent certains analystes.
On a une perte en termes de pouvoir d’achat, mais un gain en termes de ressources pour le Trésor, à travers la fiscalité pétrolière. D’autant que celle-ci, aujourd’hui, ne couvre qu’environ 60% du budget de fonctionnement.
Dans une note de conjoncture, le ministère de la Prospective et des Statistiques (MPS) relève que la situation des finances publiques se situe à des niveaux préoccupants sous l’effet, notamment, de l’expansion des dépenses courantes de fonctionnement qui ont enregistré une forte hausse (+59,2% au 1er trimestre 2012, comparativement au 1er trimestre 2011), réduisant substantiellement leur couverture par les seules recettes non pétrolières. Le document indique que les recettes non pétrolières ne couvrent que 37% des dépenses de fonctionnement, contre 51% et 55% respectivement aux premiers trimestres 2011 et 2010.
Banque d’Algérie principale source de devises offertes sur le marché interbancaire
La Banque d’Algérie, dans sa note de conjoncture sur les tendances monétaires et financières au second semestre 2011, a relevé que la crise financière et économique internationale (2008-2011) a mis en avant l’acuité de la volatilité accrue des cours de change des principales devises, soit un environnement incertain par rapport auquel la Banque d’Algérie poursuit la stabilisation du taux de change effectif réel du dinar à son niveau d’équilibre de moyen terme.
Sous l’angle opérationnel, la Banque d’Algérie intervient sur le marché interbancaire des changes où la détermination des cours, applicables aux opérations conclues suivant les règles et usages internationaux, relève des mécanismes de marché.
Cependant, la faiblesse structurelle des exportations hors hydrocarbures implique de facto que la Banque d’Algérie demeure la principale source de devises offertes sur le marché interbancaire des changes. En moyenne annuelle en 2011 par rapport à 2010, le cours du dinar s’est apprécié de 2,1% contre le dollar, pendant qu’il s’est déprécié de 3% contre l’euro.
Au cours de l’année 2011, en dépit de la volatilité accrue des cours de change des principales devises, l’intervention de la Banque d’Algérie sur le marché interbancaire des changes a eu pour résultat le maintien du taux de change effectif réel du dinar quasiment à son niveau d’équilibre à moyen terme. En effet, le taux de change effectif réel à fin 2011 est resté proche de son niveau d’équilibre, avec une appréciation moyenne annuelle de 0,25%.
Cette appréciation est la deuxième après celle de 2010 (2,64%) qui a suivi une dépréciation de 1,6% en 2009, année de choc externe de grande ampleur pour l’économie algérienne.
Par ailleurs, le différentiel d’inflation entre l’Algérie et ses 15 pays partenaires est passé de 2,05% en décembre 2010 à 1,61% en décembre 2011. C’est justement pour faire face à la volatilité des cours de change que le Forum des chefs d’entreprise a revendiqué, à maintes reprises, l’instauration d’un marché à terme de la devise au profit des entreprises et la mise en place d’un instrument de marché pour la couverture du risque de change. Mais pour d’autres, la question du taux de change n’est pas seulement technique.
Pour l’ancien ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, “la question du taux de change est centrale”. La ligne de conduite de la Banque d’Algérie est le maintien de la stabilité du taux de change effectif réel sur la base d’un modèle de calcul du FMI. Abdelatif Benachenhou ne dit pas que la Banque d’Algérie a tort, mais il estime qu’un débat sur la politique du taux de change, “à l’heure actuelle”, est nécessaire.
MR