La réconciliation nationale est le ciment de cette reconstitution du paysage partisan national qui était en lambeaux, au sortir de la décennie terroriste.
L’administration en charge du processus électoral a provoqué une sorte de panique dans les rangs de nombreuses formations politiques. Le rejet de centaines de listes de candidature avait été interprété comme une volonté de «museler» la scène partisane. La panique s’est estompée d’elle-même lorsque la justice a rétabli de nombreux candidats dans leur droit. Il ne s’agit pas de voir cela comme un abus bureaucratique, mais simplement un exercice démocratique qui traduit une nette séparation entre la justice et l’administration. Le rejet des listes par les directions de l’administration et des affaires juridiques des wilayas est souvent motivé au strict plan juridique. Le Drag joue son rôle de premier «tamiseur» des candidatures dans l’intérêt général. Un administratif, c’est connu, est un personnage carré qui n’aime pas que quelque chose dépasse. En cela, il est dans son rôle.
Les candidats qui s’estiment lésés par les décisions prises par les bureaucrates ont la possibilité de faire un recours devant la justice. Celle-ci, au-dessus des partis et de l’administration est un juge impartial. C’est exactement ce qui s’est produit dans l’épisode de ces cinq derniers jours du processus électoral. Les tribunaux administratifs ont examiné les plaintes et ont tranché, non pas selon leur bon vouloir, mais en respectant la loi électorale. Beaucoup de candidats de la majorité ont vu leur recours rejeté et a contrario, plusieurs listes de partis de l’opposition ont été «réhabilitées» par la justice. L’administration n’a d’autre choix que de s’exécuter.
Au lendemain des verdicts rendus par la justice, très peu de contestations ont été enregistrées. Ce sont les leaders qui cherchent à se positionner ou tout simplement à s’attirer les faveurs de l’opinion nationale qui ont crié à «la fraude anticipée», histoire de se victimiser. Dans les faits, l’opération s’est déroulée selon les normes universellement admises. Les dizaines de milliers de listes autorisées à concourir dans le cadre des élections locales, sont conformes à l’esprit de la loi. Cela est très important pour la démocratie algérienne naissante. Les candidats devront convaincre les citoyens du bien-fondé des thèses qu’ils défendent. Ce sera la prochaine étape où ni la justice ni l’administration n’est censée intervenir. Les militants de partis seront face au peuple, avec lequel ils sont censés construire une pratique démocratique. Ce seront ces partis-là qui seront les principaux responsables du taux de participation aux prochaines élections.
C’est dire que la nation, qui a fait un pas de géant en réconciliant les partis avec les scrutins, attend de ces derniers qu’ils réconcilient les citoyens avec la politique. Ce ne sera pas chose aisée et les prochaines élections seront un premier pas vers la consolidation de la démocratie algérienne. Celle-ci qui fait montre d’un dynamisme certain, avec tous les débats qui agitent la scène nationale, gagnera en force en apportant aux institutions élues du pays, la crédibilité qui leur manque aux yeux des citoyens.
Il reste qu’au-delà des luttes partisanes pour le pouvoir local et central, il y a dans cette donne politique nouvelle, inspirée par la nouvelle Constitution, une dimension autrement plus stratégique. En effet, l’Algérie se construit à proprement parler. Cette édification qui semble ne laisser aucun courant politique sur le chemin, prend racine d’un principe historique qui façonnera le visage de la nation sur plusieurs générations. La Réconciliation nationale, c’est bien d’elle qu’il s’agit, est le ciment de cette reconstitution du paysage partisan national qui était en lambeaux, au sortir de la décennie terroriste. Le retour de la paix civile, accompagné d’un discours de rassemblement où d’une manière ou d’une autre, l’ensemble des acteurs de la scène nationale a eu à s’exprimer, a forgé une vision commune quant à la nécessité d’investir sur la réconciliation entre Algériens. Chaque formation politique lui a donné sa propre définition, mais au final, il est clair que toutes ont admis l’importance stratégique de la Réconciliation nationale pour une nation qui a traversé les pires horreurs et qui aspire à une démocratie véritable et responsable.
Le chemin de cette Réconciliation nationale demeure encore long, le pays ne s’arrêtera pas à ces élections locales. Les épreuves qui attendent la société sont nombreuses, mais il est une constante dans l’être algérien, c’est de s’appuyer désormais sur sa Réconciliation nationale pour dépasser les difficultés qu’il rencontrera dans son parcours.