La situation sécuritaire ne constitue plus un thème de campagne
Ils ont forcément un autre état d’esprit et une autre mentalité que les politiques doivent prendre en considération.
A moins de deux mois des législatives, l’Organisa-tion nationale des victimes du terrorisme, dont les apparitions se font bien timides depuis quelque temps, monte au créneau et rappelle qu’elle existe en optant pour un thème d’actualité imposé par la conjoncture. Dans une lettre de rappel adressée au Premier ministre, l’Onvt réclame l’alignement des victimes du terrorisme sur le statut des martyrs de la guerre de Libération, la revalorisation des pensions accordées aux veuves et ayants droit des victimes du terrorisme, la régularisation de la situation des invalides victimes du terrorisme au niveau de la Cnas, la promulgation des textes législatifs relatifs à l’indemnisation des dommages matériels, la prise en charge au plan de l’emploi des enfants des victimes du terrorisme détenteurs de diplômes universitaires et l’exécution de la promesse faite par Ould Abbès concernant l’octroi d’un quota de 100 logements aux victimes du terrorisme de chaque wilaya. Au-delà du contenu social que renferme cette plate-forme revendicative, tout observateur un tant soit peu averti, est en mesure de détecter les prémices d’un sujet douloureux que la classe politique, gouvernement et opposition, a tendance à reléguer au dernier plan: la situation sécuritaire et son évolution sur le plan national et régional. Est-ce la relative accalmie qui règne depuis des années qui a amené les formations politiques les plus en vue à penser que le thème du terrorisme n’est plus porteur? Est-ce l’effet du discours officiel privilégiant l’utilisation du terme «terrorisme résiduel» qui aurait instauré une sorte d’unanimité amnésique que tout le monde partage, estimant à tort ou raison que le plus dur est passé et qu’il n’y a plus lieu de mettre en relief un thème dépassé par d’autres priorités? Samir T., un ancien militant du MSP, aujourd’hui exilé en Europe pour des raisons purement économiques, pense que la scène politique nationale est de plus en plus dominée par les formations islamistes. Selon lui, même si elles se revendiquent toutes du courant modéré qui a toujours rejeté l’extrémisme, ces formations n’ont jamais considéré le volet sécuritaire comme étant un sujet prioritaire. «La perspective d’occuper des strapontins laissés vacants par le régime, a fortement précipité leur désidéologisation à court terme. Il ne faut pas s’étonner outre-mesure dans le cas où ces formations ne faisaient aucune allusion à ce thème, car elles comptent bien se réinvestir dans ce qui reste de la réconciliation nationale», affirme-t-il avec l’assurance de celui qui connaît parfaitement son sujet. Cet avis est paradoxalement partagé, avec néanmoins quelques nuances, par un ancien militant de l’ex-Pags, un parti qui a connu deux «révisions identitaires» l’ayant obligé à changer par deux fois de nom. Ettahadi et enfin MDS. Un communiste pur et dur de la vieille école, aujourd’hui en rupture de ban, qui constate que tous les partis politiques semblent plutôt hantés par le spectre de la fraude. Selon ce vieux militant, les partis ont tort de penser que les Algériens ne sont plus sensibles aux thèmes de la sécurité et de la paix. «Al Qaîda n’est pas une vue de l’esprit ou une pure invention dont l’objectif est de mettre uniquement la pression sur l’armée.
Sa connexion avec le crime organisé dans un contexte marqué par les troubles de toutes sortes devrait donner à réfléchir à tous ceux qui ambitionnent d’arracher la caution des citoyens pour un mandat parlementaire. Si les terroristes éprouvent de plus en plus de difficultés à semer la mort et le désarroi face à des forces de sécurité aguerries et déterminées à combattre l’ennemi, le terrorisme en tant qu’idéologie est toujours présent. Il n’y a que ceux qui prêchent par opportunisme qui refusent de se rendre à cette évidence», conclut-il. De son côté, une avocate qui a requis l’anonymat dans la mesure où elle compte se présenter au scrutin du 10 mai, pense que l’ensemble des formations sont surtout obligées de cadrer leur discours avec les préoccupations urgentes de l’heure exprimées par toutes les franges de la société et qui ont trait à la situation économique, le logement, l’emploi, l’éducation, les soins. D’après cette intellectuelle, dont le travail consiste à être en contact permanent avec les étudiants, «il faut cibler les générations nées après 1990. Ces dernières n’ont pas vraiment vécu la crise sécuritaire. Elles ont grandi dans le sillage de la réconciliation nationale. Elles ont forcément un autre état d’esprit et une autre mentalité que les politiques doivent prendre en considération».
Et les éléments de corps constitués, les familles des victimes du terrorisme ainsi que les milliers de rappelés qui avaient combattu les hordes criminelles pendant des années? Qui veut chasser sur le terrain de cet électorat, en ayant le courage de poser le problème sécuritaire sans démagogie ni opportunisme comme une question d’actualité? Tant que ce sont le spectre du boycott et les risques d’un scrutin irrégulier qui dominent encore les débats, aucune formation politique, aucune liste indépendante n’osera prendre en charge un thème pareil qui exige beaucoup plus que de la conviction.