Le président rêve de jarres et réalise des marmites. Ce scrutin est la meilleure illustration que le régime est irréformable dans sa forme actuelle.
Abdelaziz Bouteflika
Les signes avant-coureurs n’augurent rien de bon pour le pays. A travers le scrutin qui a lieu ce week-end, le pouvoir joue son va-tout. Le président a avoué à demi-mot que sa génération (et lui alors ?) est finie. Cet aveu lancé à l’occasion de son discours de Sétif arrive trop tard. Pas plus que celui adressé à la jeunesse, ignorée, réprimée, méprisée depuis son arrivée au palais d’El Mouradia. Car enfin le président veut se tailler un beau rôle après avoir passé presque 13 ans à diriger sans partage avec une équipe de septuagénaires pendant que les plus diplômes des Algériens fuient le pays et font le bonheur des universités étrangères.
Bouteflika a tourné le dos à la jeunesse comme à l’Algérie réelle. Celle qui attendait beaucoup, car beaucoup reste à faire, contrairement aux discours officiels lénifiants.
Digne héritier du parti unique, Abdelaziz Bouteflika a fait de la précédente assemblée nationale sa caisse de résonnance, il avait réduit les députés à des groupies sans jugeote. Instruit par ce passé récent, pourquoi aujourd’hui les Algériens accorderaient-ils un quelconque crédit à la prochaine assemblée… Les Algériens ne sont pas dupes.
Dans sa volonté à tout régenter, le président veut être le pouvoir et l’opposition. Comment ? En distribuant des agréments à des partis fantoches, sans programme politique ni économique. Par cette opération, le pouvoir a réussi à composer une classe politique docile, monnayable. Des chefs de partis aux allures de simples figurants obéissant au doigt et à l’œil du maître.
Les mandats de Bouteflika ne résiste pas à la contraction. Le président a bénéficié d’une embellie financière sans précédent avec des caisses garnies, une dette inexistante, mais qu’en a-t-il fait ? A-t-il relancé l’agriculture ? A-t-il modernisé nos villes qui s’enfoncent dans la saleté, la pollution et l’habitat anarchique ? A-t-il lancé quelque projet structurel porteur d’emplois et d’innovations ? Qu’est devenue l’école ? A-t-il construit de nouveaux stades ou infrastructures sportives pour les sportifs ? Ou alors des centres culturels dignes de ce nom ? Des salles de cinémas, des théâtres ? Les libertés démocratiques sont-elles mieux respectées, protégées qu’en 1999 ? La Télévision est-elle ouverte aux Algériens ? Et la justice alors …
Que de moulins à vent !
Rien de tout cela. Le constat est accablant. 13 ans sans aucune réalisation majeure à destination de cette majorité d’Algériens. Et aujourd’hui, dans un discours ampoulé, il nous ressert le même plat. Bouteflika appelle les jeunes à protéger l’Algérie. De qui ? De quoi ? Des corrompus qui ont saigné son économie ? De ses dirigeants qui l’a garde sous anesthésie ? Ou d’improbables ennemis extérieurs ?
La plus grande tragédie de notre pays réside justement dans l’absence d’une classe politique. La désaffection sociale, le désamour des Algériens de leur pays, le fossé entre les institutions et le peuple s’explique par l’inexistence de relais crédibles, sérieux, autrement dit de vrais représentants du peuple, élus sur des convictions politiques, un programme et des projections concrètes sur l’avenir.
Au lieu de fermer tous les espaces de débats depuis une décennie, au lieu d’étouffer, voire d’emprisonner les acteurs du mouvement associatif, culturel, de réprimer toutes les expressions de contestation pourtant pacifiques, il aurait été plus avisé de les encourager pour favoriser l’émergence d’une nouvelle classe politique jeune, dynamique et plus en phase avec la société et les exigences modernes de la cité. Moulé, formé aux pratiques verticales de l’ancien parti unique, le président ne pouvait construire un modèle contre sa personne. De fil en aiguille, guidé par une obsession autoritaire, il a épuisé les soupapes de décompression sociale, ce qui ne va pas sans une formidable explosion sociale.
Quelle assemblée ?
Nous le disions plus haut, cette élection n’annonce malheureusement rien de bien. Il y a quelques semaines, le ministre de l’intérieur nous a sorti de son chapeau trois millions de nouveaux électeurs et distribué plus d’une vingtaine d’agréments pour les partis. Pourquoi ? Pour pousser à une participation massive à l’élection législative. Mais quel crédit accorder à ce scrutin quand on écoute le même ministre de l’Intérieur, rompant avec son droit de réserve, donner les grandes lignes de la prochaine assemblée ? Il évoque «des sièges éparpillés». Une déclaration qui va en fait dans la droite ligne de la volonté du président d’éclater la classe politique pour mieux la contrôler. Il est manifeste que le pouvoir ne veut pas d’une opposition forte et populaire, mais juste d’une chefs de partis clientélistes, inféodés, et intéressés par les privilèges.
Dans ce scrutin comme pour les élections précédentes, tout semble plié d’avance par le système. Une machine administrative tout entière acquise à l’alliance au trio de partis gouvernement. Des médias publics quasiment privatisé au service des laudateurs du gouvernement.
Ce soir, le ministre de l’Intérieur Daho Ould Kablia viendra nous annoncer doctement que le scrutin s’est déroulé dans de bonnes conditions et un taux de participation record.
Yacine K.