Élections législatives en Turquie : L’AKP en route pour un raz de marée

Élections législatives en Turquie : L’AKP en route pour un raz de marée

Plus de 52 millions de Turcs se rendront aux urnes, aujourd’hui, pour élire les 550 députés qui siègeront au Parlement. Tous les sondages donnent 45% à 50% des voix à l’AKP, le Parti pour la justice et le développement de Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre.

Seul suspense : le poids des autres formations (CHP : le Parti républicain du peuple, d’inspiration kémaliste, le BDP : le Parti de la paix et de la démocratie (pro-kurde) et le MHP, Parti d’action nationaliste (extrême droite) dans cette assemblée attendue sur deux dossiers clés pour l’avenir du pays : la résolution de la question kurde et la révision de la Constitution. Verdict dès demain soir.

Erdogan qui aspire à devenir, après trois mandats de Premier ministre d’affilée, un président de la République, élu au suffrage universel, envisage de mettre en place en 2012 un système présidentiel à la française, voire à la russe, s’il obtient d’ici là, l’appui de 367 députés ou un «oui» à l’issue d’un référendum. Outre ses «élus», il compte appâter certains avec ses taux de croissance «à la chinoise» (8, 9% en 2010) et ses projets pharaoniques pour fêter en 2023 le centenaire de la République, comme le percement d’un canal parallèle au Bosphore. S’il dépasse la barre des 367 députés, soit une majorité des deux-tiers, il pourra changer la Constitution actuelle, héritée du coup d’Etat militaire de 1980, sans avoir recours à un référendum. Avec le soutien d’au moins 330 sièges, il devra organiser un référendum. Avec moins de 330 députés, il lui faudrait l’aide d’autres partis pour rédiger la nouvelle constitution ou abandonner son projet. Ses détracteurs mettent déjà en garde contre deux dangers. Le premier, l’orientation de la diplomatie turque vers le Moyen-Orient. Le second, une dérive autocratique.

Pour convaincre, ils avancent quelques indices, telles les arrestations de journalistes, la multiplication des procès pour complot contre le régime (affaire Ergenekon pour exemple), les restrictions à l’utilisation de l’internet et les comparaisons par Erdogan des journalistes, des manifestants ou de ses opposants de «bombes» prêts à exploser. Les plus virulents, notamment les Kurdes (20% de la population) qui estiment qu’ils n’ont pas assez de droits, n’excluent pas un «été kurde» sur le modèle du «printemps arabe». Selon les analystes, si après ce scrutin, le gouvernement n’émet aucun signe positif aux Kurdes qui ont les yeux rivés sur le Nord de l’Irak où se crée un Kurdistan, de graves tensions ethniques ne sont pas à exclure. Dans l’impossibilité d’exprimer leurs revendications ou de dire leur mot lors de l’élaboration de la constitution devant l’AKP qui veut régenter seul le pays, ils pourraient être tentés de renouer avec la violence.

Erdogan qui se voit comme le leader de la Turquie et du monde arabo-musulman à la recherche d’un «phare démocratique», continuera-t-il à bénéficier encore de l’appui de la communauté de Fethullah Gülen, un opaque et puissant lobby socioreligieux de 3 millions de membres, sans contrepartie ?