Le RCD boycotte donc les élections. Selon une lecture populaire des enjeux politiques, cela peut préfigurer la participation de son rival, le FFS. Pourtant cette intuition populaire peut s’avérer cette fois-ci par un effet de pure coïncidence.
Car certainement les raisons qui incitent l’un et l’autre parti à boycotter ou à participer aux élections sont à rechercher ailleurs que dans cette rivalité entre deux protagonistes qui puisent dans le même vivier électoral. Le RCD est en phase de déconfiture avancée, il cache d’ailleurs mal cette réalité. Adepte d’une opposition-spectacle, faute de relais dans la société civile, le Rassemblement vit actuellement la solitude du coureur des petits trajets.
Après s’être offert, l’année dernière, le cycle des marches du samedi durant lequel il s’est épuisé à demander le départ du système, le RCD de Saïd Sadi se voit acculé aujourd’hui à rentrer dans les rangs, en intégrant les élections du même système. Pourtant il n’est pas sûr que ce soit par pure éthique politique que cette formation s’abstient de se présenter aux futures joutes. Saïd Sadi a rêvé d’un «printemps arabe» chez lui. Mais peut-être qu’au fond de lui-même, craignant d’être happé par la rue, il l’ y a devancée. Dur dur, après plus de vingt ans d’opposition de se sentir obligé de prouver qu’on est toujours opposant. Mieux loti que lui, le parti d’Aït Ahmed, est sur le point de récolter les dividendes d’un boycott des législatives sur la longue durée.
Mais le FFS ne baigne plus dans les mêmes conditions que celles qui prévalaient entre 1989 et 2001. Durant cette époque, le doyen des partis d’opposition pouvait se payer le luxe de bouder les urnes sachant qu’il peut se redéployer dans la rue. Mais depuis le Printemps noir la mobilisation a fondu. Le rapport de forces a basculé en faveur des partis conservateurs. On est dans le topo classique qui caractérise les périodes qui suivent l’épisode des grands tumultes et du chaos. Si la rue algérienne ne bouge pas, alors que le vent de la révolte souffle sur les pays voisins, c’est que les forces centripètes ont pris le dessus sur les forces centrifuges. Le FFS en prend acte. Il doit se dire qu’il n’a rien à perdre en participant cette fois-ci, misant ainsi sur la volonté peut-être plus affirmée du pouvoir à réussir des élections plus ou moins crédibles. D’abord, il y a un contexte international qui y pousse. Les régimes s’influent les uns les autres et ce, d’autant plus qu’ils se sentent des affinités. L’onde de choc de la victoire islamiste en Tunisie, au-delà des acteurs qu’elle place en orbite, est importante en ceci qu’elle met l’accent sur la légitimité des urnes.
Tous ceux qui estiment être victimes dans notre pays de la fraude électorale, vraie ou supposée, envient aujourd’hui le processus démocratique mis en œuvre en Tunisie. La démocratie, une idée autrefois restée à l’état abstrait, trouve dans le cadre tunisien et dans une moindre mesure, dans celui marocain, une réalisation concrète grâce bien entendu à la proximité idéologique et culturelle existant entre ces pays. Peut-être qu’à défaut d’une contagion des révoltes, on assistera à la contagion des processus électoraux plus ou moins ouverts.
Par : LARBI GRAÏNE