Ces élections ont confirmé les annonces de fraudes faites par tous les acteurs politiques et médias libres. Les seules inconnues étaient l’ampleur de la fraude et sa méthode. Maintenant on le sait. Une fraude à tout va qui a pris de court tout le monde, même les rompus au pouvoir.
Les résultats annoncés permettent une lecture grave des batailles souterraines qui se sont déroulées en marge de ces élections. Ces batailles qui ont toujours miné la vie politique algérienne. Pour le moment, il semblerait que le seul bénéficiaire de cette mascarade est Saïd Bouteflika. Il a pu à travers un processus de combines long et astucieux, et dont les élections ne sont qu’une étape, avant de s’accaparer le FLN.
La prise de ce vieux parti s’est faite en vue des élections présidentielles de 2014, qui pouvant être anticipées par Abdelaziz Bouteflika si le contexte est favorable à son frère cadet. Pour arriver à cette fin, Saïd Bouteflika, qui s’est éclipsé durant plusieurs mois par tactique, a procédé en plusieurs étapes avec l’aide continue de son frère Abdelaziz.
1. Rappel des faits
En 2010, Saïd Bouteflika a voulu créer le mouvement RCN (Rassemblement pour la concorde nationale) en vue des élections présidentielles de 2014. Cette tentative a été dénoncée publiquement par les ténors des partis de l’alliance présidentielle (FLN, RND, MSP) dont Belkhadem, Ouyahia et Soltani. Fait rare et exceptionnel dans les annales de la République. Aucune suite n’a été donnée au RCN. Recevant cette dénonciation comme un affront et une trahison, le clan des Bouteflika a imaginé alors une autre démarche pour atteindre ses objectifs. En effet, au lieu de créer un nouveau parti, le Clan s’est mis à récupérer le FLN. Le choix du FLN s’imposait de lui-même puisque c’est le parti du Bouteflika (rationnellement acceptable).
2. Stratégie
Une fois le principe d’accaparation du FLN retenu, la stratégie, plutôt simple, se base sur deux actions :
a). Affaiblir la direction actuelle du FLN tout en préservant sa force politique,
b). Affaiblir politiquement le RND et le MSP de l’alliance présidentielle.
a) Affaiblir la direction du FLN et renforcer le FLN
Pour affaiblir le FLN, les Bouteflika ont commencé par déstabiliser Belkhadem, via la mise en place du mouvement des redresseurs depuis plus d’une année. Ce mouvement est conduit par Khaldi, parmi les plus fidèles au Clan, puisqu’il est le bras droit de Nacer Bouteflika au ministère de la Formation professionnelle. Depuis une année, Belkhadem s’est vu contester la légitimité de diriger le FLN par nombre de responsables du parti. La seconde étape consiste à neutraliser la direction nationale du FLN. Chose faite avec la confection des listes des candidats du FLN aux législatives. Tout d’abord, les candidats sont choisis par les fidèles au Clan des Bouteflika : Tou, Harraoubia et Said Bouteflika lui-même.
Ensuite, les candidats retenus sont étrangers à la direction actuelle du FLN et sont inconnus du terrain politique. Cette stratégie de laisser émerger de nouvelles personnes facilitera la prise du FLN à Saïd Bouteflika puisque c’est lui qui les promeut. Les contestations du bureau politique du FLN à l’égard de ces listes ne font que confirmer sa marginalisation totale dans la prise de décision au sein du FLN. Tout le monde a été pris de court par ces choix dont les buts sont ailleurs.
La conséquence directe de ces deux actions est que la direction nationale du FLN et Belkhadem se retrouvent fragilisés mais à la tête d’une force politique immense. La direction actuelle du FLN et Belkhadem ne pourront donc que choisir entre une allégeance absolue au Clan des Bouteflika ou choisir de quitter définitivement le parti. Le parti FLN sera, en toute probabilité, confié aux plus fidèles du Clan. Tou est déjà candidat au poste de secrétaire général.
b) Affaiblir le RND
Le premier surpris des résultats de ces élections législatives est Ahmed Ouyahia. Son parti le RND est le grand perdant de cette mascarade puisqu’il sort affaibli avec à peine 1/3 de sièges que le FLN. Avec ces résultats, la force politique du RND devient quasiment nulle. De plus, le Clan des Bouteflika a pu s’en débarrasser, une fois pour toutes, d’Ouyahia qu’on disait proche du DRS. Ouyahia devient sans aucun poids politique.
Par ailleurs, ce n’est qu’à travers ces résultats que l’on peut comprendre le choix de Bouteflika de maintenir le gouvernement Ouyahia pour l’organisation de ces élections législatives, et n’a pas procédé à la nomination d’un gouvernement neutre comme souhaitée par certains mouvements d’opposition. Même si dés voix s’élèvent déjà au sein du RND pour contester les résultats, le premier ministre Ouyahia ne peut dénoncer des résultats émanant de son propre gouvernement. Ouyahia n’a compris le manège qu’une fois les résultats annoncés. Il a découvert alors que son quota prévu n’a pas été respecté par les résultats qu’il découvre à la télé comme tout le monde. De plus, ses antécédents dans la fraude massive (depuis 1997) ne lui laissent guère le choix que de se taire. Ironie du sort, le maintien du gouvernement Ouyahia a permis au Clan de neutraliser Ouyahia et le RND !
De plus, même dans le choix des candidats du RND, Saïd Bouteflika a joué de tout son poids. Il a proposé plusieurs de ses meilleurs amis, et de préférence, corrompus. La plupart des têtes de liste du RND ont des démêlés avec la justice. Le meilleur exemple reste Bouchouareb dont la candidature a été rejetée, par la commission des examens des dossiers de la wilaya d’Alger, mais qui est tout de même maintenu. Il est aujourd’hui député grâce à Saîd Bouteflika au détriment d’Ouyahia. Les députés du RND fidèles au Clan ne sont qu’une rallonge nécessaire pour s’assurer une majorité parlementaire. Une rallonge qui ne tardera pas à revenir à la formation mère qui est le FLN.
c) Affaiblir le MSP
Le MSP est affaibli de la même manière que le RND. Politiquement, il n’est plus une force face au FLN. Par ricochet, tout le courant islamique a été neutralisé par ces résultats à travers le score de l’alliance verte. Ce courant hésitera à contester les résultats ou à appeler à une quelconque manifestation par crainte d’être comparé au FIS. De plus, avec toutes les concessions qu’ils ont faites, depuis leurs participations aux différents gouvernements, et les affaires de corruption qui les touchent, les personnalités du MSP ne sont plus crédibles. Avec ces résultats, Soltani, qui s’est distingué depuis peu par un langage d’attaque contre le gouvernement, est neutralisé et devient sans poids politique. Il aura la même fin qu’Ouyahia
3. Résultats de la stratégie
Ces élections achèvent le processus engagé par le Clan des Bouteflika pour la récupération du FLN en vue d’assoir un pouvoir sans limite. A regarder de plus près, ces élections ont permis au Clan de Bouteflika d’imposer au pays, sous une autre forme, le retour au parti unique. Modèle de gouvernance cher à Abdelaziz Bouteflika.
Par ailleurs, les résultats attendus de la stratégie menée ne peuvent être validés que par une implication de plusieurs formations politiques et par un taux de participation élevé. Ce qui explique la prolifération des petites formations politiques opportunistes et une surestimation de taux de participation.
Le discours de Bouteflika à Sétif (prononcé le 8 mai 2012) peut être considéré comme la dernière action de cette stratégie. En effet, ce n’est qu’après l’annonce des résultats que les acteurs politiques ont saisi le véritable sens de la phrase d’Abdelaziz Bouteflika quand il disait que son « orientation partisane est connue de tous ». Ce n’est qu’après les résultats que les politiques ont compris que cette phrase est un appel à la fraude massive au profit du FLN. Le Clan des Bouteflika sait pouvoir compter sur Hanoune pour nous expliquer que le parti de Bouteflika est l’Algérie.
Une pierre, plusieurs coups !
Puisque ces élections sont organisées par un gouvernement composé de ministres issus du FLN, du RND et du MSP, ces trois formations ne peuvent en contester ni le déroulement ni les résultats. Au-delà de la neutralisation l’affaiblissement de la direction du FLN et de l’anéantissement du RND et du MSP, le Clan s’est donné un malin plaisir à neutraliser d’autres formations gênantes.
• Le poids politique du FFS s’est vu régionalisé et réduit à celui du PT : le FFS est d’autant plus perdant que toute sa base a appelé au boycott et qu’elle ne comprenait pas la décision de sa direction,
• Djaballah est fragilisé définitivement,
• Mohamed Said est rien : la rancune de Bouteflika à l’égard d’El Ibrahim est éternelle. Le Clan le fait savoir par ces résultats,
• Le poids du RCD est nul par son absence dans le champ médiatique.
Et le DRS dans tout cela
L’annonce des résultats est faite par Daho Ould Kablia après les avoir finalisé avec des ministres proches de Bouteflika. Et le Conseil constitutionnel tenu par Belaïz, fidèle parmi les fidèles du Clan des Bouteflika, ne trouvera rien à dire.
Il semblerait que cette annonce a pris de court tout le monde au DRS et même le général Toufik du DRS qui, pour une fois, n’avait pas vu venir la gifle. De plus, par habitude, tout le monde accusera le DRS d’être derrière la mascarade des résultats. Un vrai coup de poker du Clan des Bouteflika. Il se pourrait même qu’il y’ait une trahison parmi ses plus fidèles lieutenants M’henna Djebbar et Athmane Tartag. Il se pourrait que ces deux personnages, qui se jalousent, aient des alliances objectives, par calculs, avec le Clan des Bouteflika à l’insu de Toufik qu’ils estiment finissant !
4. Conclusion
A l’analyse des résultats, le seul gagnant est Saïd Bouteflika. Cela dit, cette excessivité dans la fraude et dans le mépris peut avoir un retournement imprévisible. En effet, la plupart des partis et personnalités ayant participé à cette mascarade s’élèvent aujourd’hui contre ces résultats. Toutes ces voix peuvent demander l’annulation pure et simple des résultats de ces élections. Toutes ces voix peuvent se transformer, subitement, en un front contre le Clan de Bouteflika. Les véritables perdants de cette mascarade auraient été le peuple et l’Algérie si le mot d’ordre « boycott » n’a pas été suivi. Non seulement le boycott a été suivi, mais nombreux sont ceux qui sont partis voter, où plutôt mettre des bulletins nuls, par crainte de représailles de la part du pouvoir menaçant. La campagne électorale n’a jamais été autant menaçante !
Si l’on se base sur les résultats officiels contestables, on peut conclure le rejet du régime par le peuple. En effet, la somme des taux d’abstentionnistes des bulletins nuls est supérieure à 65% ; autrement dit, les électeurs effectifs représentent à peine 35% du corps électoral. Ce taux représente 162 sièges à l’APN (77 pour le FLN, 23 pour le RND, 17 pour l’alliance verte, 4 pour le FFS, 4 pour le PT,…).
Epilogue
Abdelaziz Bouteflika est entré dans la vie politique algérienne par la ruse et les combines. Il a vécu sa jeunesse politique par de la ruse et des combines. Il veut finir sa vie par la ruse et les combines. Comme un défi aux révolutions arabes, pour sa dernière ruse il veut paraitre le plus malin des dictateurs arabes en réussissant un coup magistral là où tous les autres ont échoué. Il souhaite que l’Histoire retienne de lui un homme de coups bas !
Il est clair que la stratégie adoptée par le Clan des Bouteflika, pour le moment gagnante, peut précipiter l’effondrement total du Clan et de tout le pouvoir. La contre-attaque ne saurait tarder.
Samy S