La jeunesse marocaine refuse d’entrer dans le jeu du Makhzen
A la veille de l’échéance électorale du 25 novembre 2011, le régime marocain hausse le ton et accélère son escalade répressive contre ceux qui appellent au boycott.
Les électeurs marocains vont se rendre aux urnes le vendredi 25 novembre 2011 pour des élections législatives. Officiellement, 13 millions de Marocains seront appelés à désigner de nouveaux membres du Parlement ce vendredi. Mais les Marocains et surtout les jeunes s’inscrivant dans le Mouvement du 20 février et certaines formations politiques ont appelé au boycott et organisé des manifestations en ce sens. Pour Abderrahim Manar Slimi, professeur de sciences politiques à Rabat, les enjeux de ce rendez-vous électoral a trait au taux de participation, qui sera particulièrement observé. Sachant, dit-il, qu’une partie de l’opposition appelle les électeurs à boycotter le scrutin, le défi pour l’État est de mobiliser autant d’électeurs que lors du référendum sur la Constitution. Pour les participants à cette échéance électorale dont le parti islamiste PJD (Parti de la justice et du développement) que certains observateurs donnent favori de ce scrutin, les législatives permettront donc de tester la réelle volonté des autorités de mettre en oeuvre la loi fondamentale amendée. Car, pour eux, il s’agit d’une première dès lors que le roi désignera le Premier ministre parmi les vainqueurs du scrutin de demain pour diriger le nouveau gouvernement, selon les dispositions de la nouvelle Constitution. Les islamistes marocains quoique en pole position ne sont pas considérés comme favoris, par les analystes marocains. A ce sujet, Abderrahim Manar Slimi a expliqué que «la situation des islamistes marocains est, en effet, différente de celle qui prévaut dans les pays voisins puisqu’ils participent déjà, officiellement, à la vie politique du Royaume». Et de poursuivre: «Le Parti de la justice et du développement (PJD), principal parti islamiste du Maroc, est la deuxième force politique du pays». Car, a-t-il expliqué, le parti islamiste a déjà perdu une partie de son électorat, d’abord en raison de son rejet du Mouvement du 20 février, regroupement de jeunes, de radicaux de gauche et d’islamistes, qui réclament des réformes politiques et dénoncent la corruption, ensuite en raison de son attitude favorable au pouvoir tout au long des discussions, qui ont précédé le référendum sur la Constitution. Selon une enquête d’opinion réalisée le 24 octobre 2011, par deux institutions françaises, le think-tank «Institut Thomas More» et le bureau d’analyse «Tendances institut», ont soutenu que le Maroc est le seul pays du Maghreb qui résiste aux sirènes du radicalisme, preuve que le raz-de-marée islamiste que d’aucuns prédisent lors de la consultation de demain, n’aura pas lieu. Du côté du Mouvement du 20 février de certaines formations politiques, les élections législatives du 25 novembre constituent «une énième comédie électorale», décidée par le monarque alaouite, Mohammed VI, pour anticiper sur la montée des forces démocratiques réclamant l’avènement d’une véritable «monarchie constitutionnelle au Royaume chérifien». Les appels au boycott de ces élections sont multiples et suivis d’actions sur le terrain. Le mur de la peur est, désormais, brisé.
Une abstention des électeurs n’est pas à écarter
Les Marocains ne ratent pas une occasion pour crier, haut et fort, leur colère et qualifier ces élections législatives de comédie. Pour ce faire, des milliers de Marocains ont battu le pavé dimanche dans les grandes villes du Maroc pour appeler à boycotter les élections législatives, pour lesquelles le Royaume chérifien a mobilisé de grands moyens humains et matériels. Casablanca et Rabat ont été en effet le théâtre de grandes manifestations. Les manifestants ont scandé plusieurs slogans contre les candidats et les députés en lice. «Boycottez les élections», «S’ils votent, ils les enrichissent»,«Je boycotte, donc je suis», «Le peuple rejette les élections» ou encore «Les élections, une comédie, boycottez-la», sont autant de slogans criés haut et fort par les marées humaines qui ont investi les villes du Maroc. Parmi les foules de manifestants, les animateurs du Mouvement 20 février se sont distingués, qui sont, bien entendu, à l’origine de ces manifestations appelant au boycott des élections législatives. Le Mouvement du 20 février avait, pour rappel, déjà appelé au boycott du référendum sur la réforme de la Constitution en juillet dernier. Conduire le Maroc vers une démocratie moderne, loin des jeux de façades anticipés par le roi Mohammed VI, constitue le cheval de bataille de ce Mouvement, composé essentiellement de la communauté estudiantine, de syndicalistes et membres de la société civile. Samedi, un grand rassemblement a été observé à Paris/ Ile-de-France en soutien aux prisonniers politiques au Maroc, arrêtés pour leur «opinion et leur choix» de boycotter les élections législatives prévues demain. Des personnalités et universitaires marocains ont fortement dénoncé cette escalade répressive contre les militants du Mouvement du 20 février et toutes les forces radicales qui militent pour une rupture totale avec l’absolutisme et le despotisme régnant au Maroc..
Outre le boycott, mot d’ordre déclaré par le Mouvement du 20 février, il faut relever que même certaines formations politiques y compris le parti Annahj Addimocrati (Voie démocratique), le Parti d’avant-garde démocratique et socialiste (Pads) et le Parti socialiste unifié (PSU) ont, à leur tour, décidé de boycotter l’échéance électorale. A ce sujet, le parti Annahj Addimocrati a déjà fait part de son intention de créer un Front national pour le boycott des élections législatives. Dans un communiqué publié le 15 septembre, le parti de l’extrême gauche se dit prêt à travailler avec toutes les composantes politiques dans cet objectif. Le parti justifie sa décision par «l’entêtement du régime et son refus de répondre aux revendications démocratiques des Marocaines».