La mort du colonel Kadhafi est de bon augure pour les Tunisiens qui ont aujourd’hui rendez-vous avec l’histoire.
Parti de chez eux, ils voient le mouvement de démocratie porter ses premiers fruits. Ils devraient élire donc dans un scrutin libre, le premier de leur histoire, l’assemblée nationale constituante pour tourner définitivement la page de la dictature policière pratiquement instituée en mode de gouvernance depuis l’indépendance du pays en 1957. Le Maghreb et le monde arabe ont les yeux rivés sur ces élections historiques, leurs résultats détermineront, à coup sûr, l’avenir des transitions démocratiques actuellement en cours dans ces régions. Sept millions de Tunisiens sont appelés ainsi à élire sur des listes à la proportionnelle les 217 membres de l’assemblée constituante qui a pour mission de rédiger une Constitution et de désigner un gouvernement transitoire. Pour assurer l’ordre, les autorités ont déclaré avoir mobilisé à cette occasion 40.000 militaires et policiers. Les Tunisiens, installés à l’étranger au nombre de 652.000 environ, ont commencé à voter (depuis jeudi jusqu’à hier) dans 470 bureaux de vote ouverts dans 80 pays. Une affluence record «inattendue» a été relevée par la plupart des observateurs. Mais les premiers couacs sont déjà apparus, l’instance chargée des élections a recensé des tentatives de fraude dans des bureaux en Algérie, au Liban et au Qatar dont les chefs auraient incité à voter pour Ennahda. Très rapidement ces responsables de bureaux ont été remplacés.
N’empêche, le parti islamiste Ennahda de Rached Ghannouchi est donné favori par les sondages. Après Ennahda viennent les partis du centre-gauche comme Ettakatol de Mustapha Ben Jaafar, le Parti démocrate progressiste (PDP) d’Ahmed Néjib Chebbi et le Pôle démocrate moderniste (PDM), coalition de cinq formations, sous la conduite d’ex-communistes d’Ettajdid. Préfiguration de la carte politique de la Tunisie, ce qui s’est passé le 14 octobre autour de la diffusion sur la chaîne Nessma du film d’animation Persepolisde la Française d’origine iranienne Marjane Satrapi, illustre en réalité la structure duelle entre laïcs et islamistes qui travaille le champ politique tunisien.
Neuf mois déjà se sont écoulés depuis la chute de Ben Ali, qui a fui en Arabie saoudite sous la pression d’une révolte populaire sans précédent, déclenchée par un jeune chômeur diplômé, Mohamed Bouazizi. L’onde de choc s’est propagée dans tout le pays et a gommé, depuis, du paysage politique le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) du président déchu. Plus de 110 formations politiques ont été agréées depuis en Tunisie. Ce qui allait devenir la «révolution de jasmin» s’est exporté depuis vers les pays de la région, et a fini par faire tomber les chefs d’Etat d’Egypte et de Libye.
Par : LARBI GRAÏNE