Élection présidentielle en Algérie, Les islamistes en rangs dispersés

Élection présidentielle en Algérie, Les islamistes en rangs dispersés

Le mystère entretenu par le président Bouteflika sur ses intentions ne fait pas seulement que désorienter les observateurs, mais aussi nombre de partis politiques, notamment les formations islamistes plus que jamais divisées.

Déjà ébranlés par « l’échec du printemps arabe » en Algérie, contrairement à d’autres pays où les révoltes ont propulsé les islamistes au pouvoir, les partis islamistes algériens étalent, au fil des semaines et à mesure que l’échéance approche, leurs divergences. Une situation liée à la fois à des questions de leadership, de rapports qu’entretiennent certains avec le pouvoir et enfin d’approches idéologiques. Signe de leur profonde divergence : leur incapacité à trouver un candidat de « consensus », comme l’ont souhaité certains, à l’image d’Abdelmadjid Menasra, responsable du front du changement (FC) ou encore Abderazak Makri, président du MSP.

Vendredi devant le Madjliss Echourra de son parti, Abderrazak Makri a laissé entendre que la perspective d’un candidat de consensus est écartée et que désormais, le parti est appelé à choisir entre présenter son propre candidat ou boycotter le scrutin. Une position inconfortable puisque en sourdine, on avance qu’une lutte acharnée oppose l’actuel président à l’ancien, très chaud à l’idée de participer au scrutin. «Cette élection n’est pas importante pour notre mouvement car, avant tout, le MSP n’est qu’un parti qui doit prononcer sa position selon ses valeurs, à chaque échéance qui se présente. Par contre, la prochaine élection présidentielle reste très importante pour l’Algérie, étant entendu que notre pays n’ait plus de temps à perdre, après avoir déjà perdu plus d’un demi-siècle. Cette fois-ci, la perte de temps pourrait s’avérer fatale !», a déclaré diplomatiquement, histoire de couper la poire en deux, Makri. La décision du parti, après avoir été laissée au bureau, revient au Madjliss qui devrait trancher ce samedi.

Opposant irréductible au pouvoir, Abdellah Djaballah, dépossédé de deux partis avant de créer le troisième à la faveur de la nouvelle Loi, le front pour la justice et le développement (FJD) est hostile à toute participation, dans les conditions actuelles, à l’élection présidentielle. « Si je suis sûr que je serai entendu, j’appellerai au boycott de cette élection », a-t-il déclaré récemment dans un entretien au quotidien Al Hadath. Djaballah jette même l’anathème sur les autres formations islamistes. «Beaucoup de partis ont été préfabriqués par le régime. Ils ne détiennent pas le pouvoir de décision ». Selon lui, il « est la seule personnalité politique en mesure de représenter le courant islamiste ».

Même attitude chez Ennahda. Pour le SG, Ahmed Douibi, le prochain scrutin s’annonce verrouillé et qu’il ne sert à rien de participer. Ses arguments ? «La participation du président Abdelaziz Bouteflika et le refus (du gouvernement) de mettre en place une instance indépendante pour la préparation et la surveillance de la présidentielle ».

Alors que Menasra n’a pas encore arrêté sa position, même si l’option du boycott semble la plus plausible pour son parti en raison des conditions qu’il pose, Amar Ghoul, président de TAJ, autre dissidence du MSP, a lui choisi de soutenir le président Bouteflika.

Quant à El islah de Djahid Younsi, après avoir vainement cherché un candidat du consensus, s’apprête à prendre une position, soit de soutenir un candidat ou de présenter le sien. Seul pour l’heure, le jeune parti FAN, de Djamel Benabdesslam, dissident d’El Islah, a décidé de participer à l’élection, histoire de placer son parti sur l’échiquier politique. Il devra seulement trancher ce samedi la manière avec laquelle il compte participer.

Il faut dire que l’expérience du FIS dissous, celle de la compromission du MSP avec le pouvoir et l’absence d’une figure charismatique au sein de la mouvance islamiste ont également influé sur ce courant dont l’expérience de la courte alliance nouée lors des législatives a montré les limites d’une agrégation de ces partis plus que jamais éclatés.

Sofiane Tiksilt