Que chacun aime son pays à sa manière, mais qu’il laisse les autres l’aimer comme ils l’entendent
Chaque fois qu’une élection présidentielle pointe en Algérie, on assiste à un grand brouhaha aussi bien politique que médiatique, ce qui, à la limite, pourrait être regardé comme une manière propre à nous de préparer des rendez-vous importants.
Il est tout à fait compréhensible que, chacun supportant son candidat ou applaudissant son cheval, comme disaient nos grands-pères, s’étale sur les qualités qu’il trouve à ce candidat et s’étende sur toutes ces capacités «exceptionnelles» qu’il y décèle. Parfois cela se fait à tort, souvent avec exagération, mais comme on l’a déjà dit, c’est là une manière à nous et on peut l’accepter sans broncher combien même on aurait aimé que, lorsqu’il s’agit de l’avenir du pays, tout le monde jette le porte-voix de la mystification et se range derrière la logique impeccable et l’honnêteté irréprochable pour dire la vérité et seulement la vérité à propos des partis, des candidats et bien sûr des attentes du peuple.
Ce qui ne peut être compris, par contre, c’est que, à l’occasion de ces mêmes périodes, certains s’érigent en véritables patriotes-en-chef et commencent, au nom du bien du pays, à balancer tout et n’importe quoi. Ils veulent que tout le monde partage leur vision, que tous se mettent derrière leur parti (ou leur parti) et que tous les Algériens ne chantent qu’un seul et même refrain. Dans cette lutte des ambitions, certains ne reculent devant rien, même pas devant la fabulation. Et, pour se donner du poids, font croire qu’ils ramènent des propos de cercles réputés (ou prétendus) fermés, de réunions restreintes ou de sources hors normes! D’autres surveillent vos mots, une hache à la main, et coupent à chaque fois que vous prononcez un certain nom, que vous osez critiquer un parti donné, que vous exprimez une idée qui ne leur plaît pas ou qui risque de ne pas plaire ou que vous émettez un doute sur telle ou telle autre de leurs convictions, au point où vos proches se mettent, à la longue, à vous regarder avec le même esprit et à passer vos paroles au crible, avant même que le son ne sorte de votre bouche.

Entre Algériens, nous n’avons pas besoin de leçons de patriotisme. Nous sommes tous aussi attachés au pays les uns que les autres. Et s’il se trouve que nous divergeons quant à la manière de ressentir le besoin de l’aider, il ne fait pas de doute, cependant, que ceci découle de la nature même des hommes qui ne peuvent ni aimer de la même manière ni supporter de la même façon.
De ce fait, nul n’a le droit de montrer aux autres comment aimer leur pays. on n’est plus dans les années 1960! Lorsque les uns espèrent que l’Algérie devienne une grande nation, un pays qui tutoie le firmament du bien-être, on lui cherche des poux dans les cheveux, de la mauvaise haleine dans les propos et de la mauvaise intention dans les écrits, mais lorsque d’autres font tout pour que rien ne bouge et pour qu’ils continuent à tirer avantage de cette incapacité à se relever, on les encense et on leur jette des fleurs importées d’ailleurs. Où sommes-nous donc? A-t-on le droit de choisir, pour autrui, la manière d’aimer leur pays? Et au nom de quoi? Lorsqu’un Algérien se sent peiné de voir son pays disparaître dans la tourmente des basses mesquineries de certains insatiables, est-ce un pêché? Est-ce une haute trahison que de vouloir un avenir meilleur pour son pays? Certainement pas! Que chacun aime son pays à sa manière, mais qu’il laisse les autres l’aimer comme ils l’entendent. Nul n’est plus patriote que les autres!