La nuit algéroise dernière a été longue et stressante à l’ambassade des Etats-Unis tant la réélection du démocrate Barack Obama à la Maison Blanche a été arrachée par un comptage de points très serré face à son rival, le républicain Mitt Romney.
L’ambassade US à Alger s’est transformée hier en QG de campagne en faveur de la réélection d’Obama même si les candidats avaient tous les deux, leurs portraits grandeur nature, exposés et les diplomates en poste sont restés bien discrets sur leur choix électoral. C’est ainsi qu’à première vue, l’on pouvait deviner que leur grande majorité était issue du camp des démocrates.
Bien rares sont ceux d’entre eux qui voulaient que le républicain Mitt Romney emporte la présidentielle. Dès l’annonce de la victoire d’Obama, les applaudissements ont fusé dans la salle où s’étaient regroupés, depuis de longues heures, un bon nombre d’Algériens de divers horizons que les diplomates ont invités pour suivre avec eux, en direct, le vote et les résultats du scrutin.
C’est à 5h15, heure algérienne, que CNN, la chaîne de télévision américaine «des grands moments », a mis fin au suspense et a annoncé la réélection du président sortant pour un deuxième mandat de quatre ans. « Tu vois, ce sont les journalistes qui ont annoncé les résultats du scrutin, ils n’ont pas besoin d’attendre qu’une quelconque institution le fasse,» a lâché une diplomate américaine.
«Nous sommes la plus vieille démocratie dans le monde, » avait soutenu l’ambassadeur américain dans sa prise de parole devant ses invités, tout au début de la soirée électorale qui avait commencé le mardi à 23h30 pour s’achever le mercredi à 5h30 (heures algériennes). «Quel que soit le résultat de cette élection, tous les Américains vont l’accepter, il n’y aura aucun problème, ce n’est donc pas une démocratie de façade, » a-t-il affirmé.
Après avoir salué ses invités, l’ambassadeur s’est éclipsé vers minuit à peine, en laissant derrière lui tout son staff diplomatique. L’élection était suivie, heure par heure, minute par minute, Etat par Etat, en direct sur CNN. Des téléviseurs ont été placés dans une grande salle qui a été emménagée en plusieurs salons qu’éclairaient des lumières tamisées.
On se croirait dans un véritable pub. Excepté que l’interdiction de fumer était rigoureusement respectée à l’intérieur de l’enceinte diplomatique. Les fumeurs devaient donc sortir carrément de l’ambassade, pour en griller une, sous le froid automnal qui s’était, lui aussi, invité à la soirée électorale américaine d’Alger.
«LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DES ETATS-UNIS NE CHANGE PAS»
Bien que les diplomates «démocrates » voulaient et savaient même qu’Obama allait rempiler, ils n’étaient pas inquiets au cas où la victoire deviendrait «républicaine», ceci même si les deux candidats en lice sont profondément différents racialement, politiquement et socialement.
Pour eux, que l’Amérique soit dirigée par un démocrate ou par un républicain, la politique extérieure des Etats-Unis ne change pas. «Les conséquences d’un choix ou d’un autre toucheraient peut-être la politique interne, » nous dit l’un d’entre eux.
« Le dossier de la Santé, de l’Emploi, de l’Education, c’est là où les candidats diffèrent de visions, et encore ! Ça penche à peine d’un côté ou d’un autre, » estime-il. Les peuples «damnés» du reste du monde pensent eux certainement, qu’Obama est un moindre mal par rapport à Romney, adepte de secte d’une Amérique hypocritement puritaine. Les diplomates expliquent que la gestion politique du pays se fait selon les réactions des citoyens américains.
«Obama a bien promis de fermer Guantanamo mais les Américains ont refusé à cause de la peur qu’ils ont du terrorisme, si Mitt Romney est élu, lui non plus ne va pas le fermer parce qu’il se dira que si le président démocrate ne l’a pas fait, ce n’est pas à un républicain de le faire, » souligne un diplomate. Obama s’était engagé à le fermer mais il s’est rétracté, il l’a d’ailleurs fait sur plusieurs autres dossiers comme la guerre en Afghanistan, les Américains ne vont-ils pas dire qu’il n’est pas sûr de lui ?
Lui avions-nous demandé. «Il l’avait annoncé quand il était candidat et en campagne électorale pour son 1er mandat mais une fois élu, il a vu les choses d’un autre oeil, il se rend compte plus des difficultés quand il est à la Maison Blanche que quand il est parmi les citoyens, » répond-il en précisant que «la guerre en Afghanistan va être terminée, quel que soit le vainqueur.»
En plein milieu de la nuit, les esprits américains à Alger commençaient à s’inquiéter. Les points de l’un et de l’autre candidat étaient trop proches les uns des autres.
L’Amérique allait- elle se réveiller avec un président républicain ? Le temps de tous était consacré au comptage des voix qui tombaient au fur et à mesure que les Etats fédéraux votaient, décalage horaire oblige. « Comment va se terminer cette nuit dramatique ? » s’est interrogé l’un des commentateurs de CNN qui montait et démontait la carte géographique des Etats-Unis, à coups de nombre de voix électorales.
«LA CRISE AU MALI EST LA RESPONSABILITÉ DE L’ALGÉRIE»
«Tous les peuples des quatre continents doivent en principe, voter parce que le président américain est le président du monde, » disionsnous aux diplomates. Le monde s’est alors réveillé hier, une deuxième fois avec un président américain noir dont le père est d’origine africaine et musulmane. Des particularités certes nouvelles à la Maison Blanche depuis 2008, mais qui n’ont changé ni la face du monde ni celle de l’Amérique.
Obama le socialiste ? Beaucoup s’amusent à le présenter ainsi parce que dit un Américain « il se veut proche des démunis, il a réussi à faire voter un plan de santé qui les protège.» Barack Hussein Obama, un nom arabe et musulman à la tête de la Maison Blanche, « et alors ? » interrogent les déçus qui rappellent que « dès sa première victoire, il a porté la kipa et non le tarbouche. »
Obama reste Américain. « Il est le pur produit d’une Amérique qui fera toujours tout pour séduire le monde afin de le faire plier facilement, » disent des analystes. Jeune, beau, noir, d’origine africaine et musulmane, Obama casse avec le style hollywoodien des Bush, des Nixon et des Clinton. Mais il ne changera rien à une Amérique hautaine, arrogante et provocatrice. Des analystes pensent que ce deuxième mandat lui permettra d’être audacieux.
« Le 1er mandat lui a servi à trouver ses marques et à bien situer le pouvoir et la force, le second le laissera en principe, oser en prenant des décisions spectaculaires, prions pour que ce soit en faveur des résolutions des conflits que Bush a fomentés, » estime un observateur.
« Il ne pourra pas autant changer, les lobbys sont toujours là pour l’empêcher de croire qu’il est seul à gouverner, » lui répond un autre. Obama a été réélu après une folle course aux voix face à son rival, le sénateur républicain Mitt Romney pour lequel la moitié de l’Amérique a quand même voté.
« Les Américains sont divisés à 50% 50% ; c’est la 3ème fois qu’ils le montrent au monde, » nous dit un diplomate qui rappelle qu’en 1960, Kennedy et Nixon ont aussi rivalisé au coude à coude, tout autant que Bush père et Al Gore, et hier Obama et Romney.
Avec cette victoire, y aurait-il un changement dans l’approche américaine par rapport à la crise dans le nord Mali ? interroge une journaliste. «Nous considérons que la crise dans le Nord Mali est la responsabilité de l’Algérie, nous soutenons et encourageons fortement cette responsabilité, » répond un diplomate sans hésiter.
Ghania Oukazi