Les saisons estivales frappent par leur similitude à El Kala. Cette localité de l’extrême nord-est du pays porte, en dépit des atouts qu’elle recèle, mal sa toge sacerdoce. Une courte halte permet au visiteur de réaliser le paradoxe qu’offre la localité : paysage féerique contre un état délabré de la cité.
Comme à chaque été, la ville grouille d’estivants venus des autres régions passer des moments de détente dans cette localité réputée comme l’une des plus belles régions d’Algérie. Une heure de route à partir d’Annaba (75 km) suffit pour joindre El Kala qui accueille ses hôtes par ses sites paradisiaques. Echatt, Sidi M’Barek, Berrihane et Melha sont les principaux bourgs verdoyants qui donnent sur Calle. Le paysage qui décore le tronçon ne laisse pas indifférent le visiteur appelé à admirer la nature : forêts s’étendant à perte de vue, lacs, pâture, vaches, oiseaux et cigognes meublent les abords de la route.
«Je prends fréquemment le trajet mais, à chaque fois, on dirait que c’est la première fois que je traverse l’endroit. Je ne peux m’empêcher de contempler tous ces beaux tableaux que nous présente la nature», atteste un passager de taxi, natif même d’El Kala et qui fait régulièrement, dit-il, le trajet (Annaba-El Kala). La vocation touristique apparaît à travers la diversité de ses nombreuses et indéniables potentialités, ainsi que les sites historiques et archéologiques résultant du passage de plusieurs civilisations. Les stigmates sont encore présents en plusieurs lieux et contrées de la région. Elle recèle des atouts certains, uniques et rares. Son littoral s’étend sur 50 km, composé en majorité de plages. L’attraction balnéaire domine l’ambiance puisque le côté montagne ou patrimoine passe presque inaperçu même si leur valeur n’a pas de prix.
LA PERLE DE L’EST EN QUÊTE D’UN DÉCLIC
En sus des 13 plages fonctionnelles, en cette saison estivale 2011, les autorités locales ont assaini quatre nouvelles plages. Il s’agit des «Vergès», à El Kala, «El-Djazira», «El-Balah» et «Mechaâ Touil», dans la commune de Berrihane. Ce sont ainsi 17 plages au total ouvertes à la baignade dans cette région où la direction locale du tourisme attend d’accueillir plus d’estivants que durant la saison dernière. Cependant, les travaux entamés, dit-on, pendant l’hiver dernier, en vue d’une saison estivale meilleure, semblent rattrapés par le temps ; ce qui influe sur le flux d’estivants. Des aménagements (ouverture d’accès, mise en place de parkings et autres commodités) restent en cours de réalisation encombrant ainsi la saison festive.
Les retards dans l’exécution des travaux ne concernent pas uniquement les nouvelles plages étant donné que les autres sites enregistrent encore des aménagements : réalisation de vestiaires, douches, mise en place de réseaux d’alimentation en eau potable et d’aires de camping, et réfection de l’éclairage public.
«C’est dans le sillage d’une stratégie à long terme entamée pour faire de la région d’El Kala la locomotive du tourisme balnéaire», indique le directeur du tourisme. Pour réussir la saison 2011, les responsables locaux ont procédé, souligne-t-il, à la réquisition d’inspecteurs des directions du commerce et du tourisme pour contrôler les différentes structures d’hébergement, ainsi que 2.000 employés recrutés par les communes au titre des divers dispositifs de soutien à l’emploi pour être affectés à des tâches de nettoyage et d’entretien des plages. On dénombre aussi 174 agents de la Protection civile désignés pour la surveillance des plages. En matière de structures d’accueil, El Kala accuse un déficit criant.
Les quelques hôtels que compte la ville dont la capacité ne dépasse pas les 1.000 lits, ne suffisent point aux dizaines de milliers d’estivants s’y rendant quotidiennement. Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Le proverbe tient bon chez les Callois qui, en cette période de l’année, cèdent leurs habitations aux vacanciers pour des tarifs allant de 4.000 à 6.000 DA la nuit, soit les mêmes prix pratiqués dans les hôtels. Les campings et autres auberges de jeunes semblent dépassés. «C’est pour faire plaisir à mes enfants qui ont obtenu de bons résultats scolaires que je suis ici. C’est une façon de les récompenser. Ils insistaient à ce qu’on passe quelques jours ici à El Kala. C’est une découverte, certes, mais sincèrement ce n’est pas intéressant. Chez nous, à Boumerdès, c’est mieux», témoigne un vacancier, originaire de Corso. «Le coût du séjour est excessif : 4.000 DA la journée pour un F2 sans compter les autres dépenses quotidiennes. Initialement, on a décidé de passer deux semaines, mais je crois que ça ne va pas dépasser les 10 jours. On doit rentrer», a-t-il enchaîné.
Pour l’hygiène, il faut repasser. Malgré les efforts déployés par les services concernés, la ville d’El Kala manque cruellement de propreté. Il suffit d’une simple virée dans ses différentes artères pour s’en rendre compte. Les commerçants tout comme les pêcheurs de la région soulignent à ce sujet que les choses se dégradent davantage pendant la période hivernale : «Revenez ici pendant l’hiver et vous verrez de vos propres yeux la situation de la ville. Les autorités accélèrent les travaux uniquement durant l’été pour soigner un tant soit peu la bonne image de la ville. C’est pour les beaux yeux des estivants, sans plus». Seul un port de pêche opère à El Kala. Ce dernier fut construit à l’époque de la domination française, indiquent certains, et pour d’autres, le port en question remonte à l’ère ottomane. Mais la vétusté du phare et des châteaux jouxtant le vieux port laisse à supposer que la seconde version est la plus plausible. Ce port avait été, à en croire certaines thèses, restauré et élargi par les Français.
Un nouveau port de pêche est en cours de construction à l’extrémité de la plage El Mordjane, ce qui menace cette dernière, réputée comme principale plage de la région, fréquentée chaque jour par des milliers de baigneurs.
Du point de vue des services locaux, le centre-ville devrait être davantage attrayant, avec la réception du nouveau port, en cours de réalisation, et avec lui, la nouvelle corniche reliant l’ancien port au centre-ville. Cet ouvrage contribuera, prévoit-on, à rendre le centre
d’El Kala plus beau et plus vivant pour les estivants et surtout pour les riverains qui se sentent à l’étroit dans l’ancien centre urbain. La région compte une douzaine de lacs dont les plus importants ont pour nom Oubeïra, El Mella, Tonga et lac des Oiseaux. Ces lacs ont une importance écologique qui joue un rôle prépondérant dans la biosphère et la richesse faunistique et floristique. Pour M. Abdelkamel de la Direction de la protection de l’environnement de la daïra d’El Kala, «ces lieux humides, protégés par la convention RAMSAR(*), sont les endroits privilégiés de milliers d’oiseaux venant de contrées différentes et sédentaires de diverses espèces».
La valeur du couvert végétal est confirmée, selon ce cadre de la direcion, à travers la délimitation de deux zones naturellement protégées : le parc national, le parc écologique et les zones de passage de Béni Salah à l’extrême sud-est. Les explications fournies font état que le parc a été créé par décret en 1983, et a été aussitôt classé comme patrimoine naturel et culturel international et réserve de la biosphère par l’Unesco.
A cela s’ajoutent les ressources naturelles, à savoir le thermalisme. En tout, Calle compte six sources thermales dont la plus importante est hammam Sidi-Trad, à quelques encablures du chef-lieu.
Les sites et monuments archéologiques sont encore présents à El Kala et témoignent des civilisations qui se sont succédé.
Toutefois, l’intérêt semble peu accordé à ce patrimoine. En atteste ce Moulin Romain dont les mûrs ont laissé pousser des figuiers tout entiers. Cette construction séculaire, délaissée, a servi longtemps de lieu de débauche avant qu’on décide d’empêcher l’accès en y dressant quelques parpaings.
TIMIDE ANIMATION NOCTURNE
La nuit, le front de mer qui se distingue par ses palmiers et les constructions séculaires, se transforme en une esplanade grouillante de monde. C’est au coucher du soleil que ce boulevard commence à s’animer avec l’arrivée de jeunes et de familles entières créant une ambiance bon enfant.
Les actions initiées par les différents partenaires, l’Office des arts et de la culture de la ville ainsi que la direction de la Culture, visant pour l’essentiel à meubler ce vide culturel qui a longtemps caractérisé la cité, demeurent à l’heure actuelle en deçà des attentes. L’animation se résume, ainsi, en les expositions de l’artisanat qui se tiennent au niveau de l’ancienne église, au front de mer, convertie en salle d’exposition. Les troupes folkloriques qui sillonnent les artères n’intéressent, semble-t-il, pas les estivants. Idem pour les tournois de beach-volley qui se déroulent sur les plages.
En l’absence d’animation programmée, de jeunes visiteurs improvisent des concerts de karkabou, de derbouka pour égayer la foule. Des sons qui se mélangent aux klaxons de cortèges nuptiaux de passage donnent lieu à une cacophonie. La saison n’a pas connu, d’après les riverains approchés, un flux considérable d’estivants comparativement aux années précédentes. «Cela est dû, peut-être, au manque d’infrastructures hôtelières au niveau de notre localité», pensent-ils. D’autres riverains, plus réalistes encore, estiment que la saison estivale 2011 est déjà finie : «L’arrivée, cette année, du mois de Ramadhan en plein été, mettra officiellement fin à la saison estivale.» Les gérants d’hôtels, campings et propriétaires de bâtisses privées, soutiennent le constat en mentionnant qu’«aucune demande de réservation n’est enregistrée pour le mois d’août». Sans être un échec, la saison estivale 2011 est loin d’être un succès.