Le FLN va mal, et lorsque l’ex-parti unique éternue, c’est tout le pays qui a la fièvre. C’est lui qui donne le la, c’est lui qui annonce la couleur et c’est lui qui indique la direction du vent.
La base du FLN est en ébullition. Dans les mouhafadhas, c’est la bagarre, on en arrive aux mains et les militants se donnent en spectacle, comme ce fut le cas à Bir Ghbalou (Bouira), ou encore, pire, de la sanglante bagarre d’El-Oued.
Dans cette tourmente, un nom est cité, notamment pour le cas d’El-Oued. Celui d’El-Hadi Khaldi, l’actuel ministre de l’Enseignement et de la Formation professionnels et membre du comité central du FLN. On l’accuse d’être l’instigateur de la crise à El-Oued.
L’homme se confie à Liberté et assume ses positions. “Je n’ai aucun clan à El-Oued. Mais je dois défendre les militants qui m’ont soutenu lors de la campagne électorale pour les élections législatives. L’actuel mouhafedh a boycotté la liste du FLN et soutenu celle d’autres partis.
J’ai informé M. Belkhadem à l’époque. Ce dernier m’a promis de prendre des sanctions après les élections. Le mouhafedh a exclu tous les militants, y compris les élus locaux, et a ramené des intrus au parti. Pire encore, le mouhafedh a eu une promotion et s’est retrouvé membre du comité central du parti.”
El-Hadi Khaldi tient à préciser qu’il n’a “aucun problème avec Abdelaziz Belkhadem ni même avec les membres du bureau politique”. Il fera remarquer, toutefois, que la crise qui secoue la base du FLN ne concerne pas uniquement El-Oued, mais d’autres wilayas connaissent des crises similaires, à l’instar de Bouira, Djelfa, Annaba, Oran, Chlef, Tlemcen et Souk-Ahras, pour ne citer que celles-là. “Est-ce que je suis derrière tout ça ? Est-ce que c’est moi le perturbateur qui déstabilise toutes ces mouhafadhas ?”
Notre interlocuteur revient sur la genèse de l’affaire, tout en restant “diplomate”. “J’ai toujours été le militant qui défend les idéaux du FLN. J’étais chargé de superviser les élections sénatoriales à Tizi Ouzou. Les militants se le rappellent. On a réglé beaucoup de problèmes.
J’étais chargé de régler celui de la structuration de la mouhafadha d’Annaba, comme j’ai pu régler celui d’Oran, ainsi que mon animation de la campagne présidentielle.” Estimant avoir accompli avec succès les missions confiées par M. Belkhadem, il avoue ne jamais avoir demandé à être candidat aux législatives de 2007. “C’est suite à sa demande (Belkhadem, ndlr). Au début, il m’a désigné tête de liste à Annaba, puis à Sétif, avant de me mettre à El-Oued. Je suis originaire d’El-Oued, mais j’ai vécu à Alger, à Bab El-Oued précisément.”
El-Hadi Khaldi affirme avoir transmis plusieurs correspondances au SG du FLN, lesquelles sont restées sans suite, d’où sa décision de se livrer à la presse.
Affirmant que “les militants sont majeurs et vaccinés”, pour réfuter la thèse selon laquelle il les aurait manipulés, El-Hadi Khaldi clame, haut et fort, son droit de dire ce qu’il pense, au nom de la démocratie. “Ce que je demande en tant que militant du FLN, à une année d’un rendez-vous important (les législatives de 2012), c’est que le SG tranche, qu’il soit ferme et décisif” au sujet des crises qui secouent la base du parti, affirmant que son différend avec M. Belkhadem est “d’ordre organique” et d’appeler ce dernier à animer un débat entre la base et les mouhafadhs.
“Mon souci est la stabilité du parti et son maintien en tant que leader. On me reproche d’en parler à la presse ? Je ne suis pas le premier à exprimer mon mécontentement à travers la presse.
Abdelkader Bounekraf, Salah Goudjil et d’autres l’ont fait. J’ai toujours respecté les instances du parti. J’ai envoyé des correspondances. J’ai publié une lettre ouverte en juillet 2007 pour mettre en garde le SG contre les risques d’une crise que nous vivons actuellement.”
M. Khaldi affirme ne pas partager la méthode de travail du SG et de son bureau politique. Au niveau de la base, dit-il, les militants reprochent aux superviseurs désignés par le SG leur connivence avec les mouhafadhs. Et, pour couper court aux supputations, El-Hadi Khaldi avoue : “Je ne cherche rien. Je suis ministre de la République. Je n’ai rien demandé à M. Belkhadem. Pour moi, la stabilité du FLN, c’est la stabilité de l’Algérie. Je ne cherche pas à être dans le bureau politique, ni ailleurs.”
Il revient à la charge sur l’affaire d’El-Oued, “un mouhafedh dont le dossier est connu localement et ailleurs. Je ne comprends pas pourquoi M. Belkhadem tient à ce mouhafedh. Six membres de la mouhafadha lui ont retiré leur confiance, de même que 29 SG de kasma”.
Toutefois, El-Hadi Khaldi réfute l’idée selon laquelle sa sortie publique serait une action concertée avec des cadres du parti qui voudraient en découdre avec Belkhadem. “Ce sont des mécontentements isolés qui revendiquent la même chose.” Cependant, il avertit : “Le mécontentement pourrait être élargi, si on continue à être sourd aux cris des militants.”
Pour lui, l’actuelle restructuration du parti ne respecte pas les textes du 9e congrès du parti. Il estime que la crise actuelle est l’héritage de ce qui s’est passé en 2004, avec l’éviction de Ali Benflis.
À l’adresse de son SG, il dira : “s’il pense que je vais comploter contre lui, je ne le ferai jamais. J’essaye d’attirer son attention pour qu’il réagisse. Je ne travaille pas contre lui. Je n’ai pas de comptes à régler et je n’ai pas d’autres visées.”
Il reconnaît que sa sortie médiatique pourrait être considérée comme un manquement à la discipline partisane, mais il estime que le SG du parti l’a “poussé à aller vers la presse”.
Mais tout cela n’est-il pas annonciateur de grands changements à venir ? Pour El-Hadi Khaldi, “il y a des indices. Quand on installe un forum d’hommes d’affaires, alors que le FLN a toujours été un parti du peuple. Un forum d’hommes d’affaires pose beaucoup d’interrogations. Lorsque le SG décide d’organiser une rencontre avec les jeunes, tout en excluant les organisations satellitaires que sont l’UNJA et l’UNEA, cela pose problème. Pourquoi ces rencontres, alors que nous avons nos organisations ?” Et de lâcher : “Il y a quelque chose qui se prépare.”
Sur sa lancée, El-Hadi Khaldi poursuit : “Comment expliquer qu’un vice-président de l’APN, qui représente les indépendants, obtient la qualité de membre du comité central, alors que les textes sont clairs : pour être membre du comité central, il faut un minimum de dix années de militantisme. Comment accepter des députés qui viennent des autres partis ? Pourquoi leur déroule-t-on le tapis rouge alors que, pendant la campagne électorale, ils ont passé leur temps à critiquer le FLN ? Je suis contre ce comportement.
Être au FLN, c’est commencer par la première cellule : la kasma. J’encourage les militants à s’opposer à l’intégration de ces députés transfuges.” Il ne cache pas son appréhension de voir ces transfuges sur des listes de candidatures indépendantes lors des législatives de 2012.
En définitive, El-Hadi Khaldi nie vouloir le départ de Belkhadem et celui du bureau politique, “mais je ne leur permets pas de mener le parti à la dérive”. Estimant que les mécontentements qui s’expriment présentement restent isolés, il n’écarte pas la possibilité de l’émergence d’un bloc d’opposition à la ligne de Belkhadem à tout moment.