La documentariste irlandaise d’origine algérienne, Safinez Bousbia, n’est pas pour rien dans l’existence d’El Gusto. Cet orchestre de musique arabo-judéo-andalouse, qui réunit des musiciens d’Alger et d’autres issus de la diaspora « pied noir », est né de la rencontre entre la réalisatrice et un commerçant de la casbah d’Alger, Mohamed El Ferkioui. En conversant avec lui, Safinez Bousbia a découvert qu’il était musicien, accordéoniste, et qu’il avait fait partie, il y a un demi-siècle de cela, de l’élite de la musique chaabi, genre populaire à Alger, aussi bien chez les musulmans que chez les juifs.
Mettant ses pas dans ceux de Wim Wenders (qui partit à la recherche des vieilles gloires de la musique cubaine pour son Buena Vista Social Club), Safinez Bousbia a retrouvé les survivants de cet âge d’or du chaabi, a recueilli leur parole et les a poussés à reprendre du service.
Elle n’a pas arrêté sa quête aux portes d’Alger. En France, elle a retrouvé les musciens qui avaient quité l’Algérie à l’indépendance. Loin de leur terre natale, ils ont perpétué et transformé le chaabi. El Gusto, le film, se termine sur leurs retrouvailles.
L’histoire est belle, sans doute plus que le film lui-même, un peu appliqué. Par moments, les souvenirs déchirants de la guerre ressurgissent, quand un musicien explique comment il est resté invalide après avoir été torturé par les troupes françaises, quand un autre évoque Ali La Pointe, le proxénète devenu combattant du FLN (le chaabi était aussi la musique des bordels algérois).
Ces spectres restent en lisière d’un film qui vise d’abord l’optimisme et permet au moins de rencontrer une série de figures extraordinaires qui rappellent que l’Algérie n’a pas été seulement un champ de bataille.