El-Bahia en proie à ses vieux démons

El-Bahia en proie à ses vieux démons

A moins de quatre mois de la tenue du GNL 16, la pluie dévoile encore une fois les tares d’Oran

De l’avis unanime, la ville, malgré deux rendez-vous internationaux d’envergure n’a rien gagné. Elle reste livrée aux inondations à chaque pluie, croulante sous des tonnes de boue que les avaloirs ne peuvent plus charrier. Malgré les projets structurants qui sont en train de voir le jour, Oran n’arrive toujours pas à s’extirper de sa morosité habituelle.

Les espoirs légitimes d’un mieux dans le paysage urbanistique et l’amélioration des conditions de vie d’un million d’Oranais, nés du rendez-vous du cartel de pétrole se sont rapidement estompés après avoir constaté que la situation n’a pas évolué d’un iota. La ville continue de retenir son souffle à chaque averse et de fuir ses murs en ruine à chaque coup vent.

En effet, personne n’osait imaginer les lendemains de la ville après une opération de charme initiée par les gestionnaires locaux à grand renfort de milliards d’Alger et de Sonatrach.

Les opérations de relookage, les ravalements de façades, la tournée de bitume pour les artères défoncées de la cité ont vite fait de montrer leurs limites et la ville de se réapproprier son statut de grand douar.

La ville n’en finit plus de se vautrer dans une saleté repoussante donnant à certains de ses quartiers l’image de villes fantômes perdues dans l’immensité désertique de l’Ouest «américain» du temps des cow-boys et des indiens.

Pire, les différents chantiers décidés et entamés simultanément ont fini par donner un aspect sinistre à la cité enveloppée dans la poussière des travaux et noyée sous les embouteillages monstres qui se forment aux heures de pointe.

Un constat, certes sévère mais qui répond au quotidien local de la cité et de ses communes satellites, et qui se résume à un chapelet de reproches et de critiques à l’endroit de responsables accusés de ne pas anticiper sur les problèmes de la ville. D’ailleurs, ils ne sont pas rares les citoyens à s’inquiéter sérieusement sur le proche devenir de leur ville.

L’état déplorable des routes d’Oran est devenu, par la force de la dégradation continuelle et chronique de son tapis et la répétition des opérations de rafistolage, le sujet de prédilection de tout un chacun.

Et le dépit n’est plus l’exclusivité des automobilistes mais le sentiment de révolte est général. Aucune rue n’est épargnée, à croire que le bitumage de circonstance réalisé à la hâte n’avait de durée de vie que le temps de séjour des délégations de l’Opep et de Bouteflika à l’intérieur des murs.

Pourtant, les gestionnaires locaux de la ville essayent, à travers les projets en chantier, de préparer Oran pour le grand rendez-vous d’avril mais force est de constater que si la face jardin est en train d’être entretenue, le côté cour continue à vivre au rythme des routes défoncées, des trottoirs inexistants, des poteaux électriques aveugles, des dépotoirs publics et des façades lépreuses des cités-dortoirs.

«C’est beau de construire des tours, des hôtels et de mettre en service le tramway, mais le plus urgent n’est-il pas d’améliorer le cadre de vie immédiat du citoyen ?», dira un Oranais excédé.

L’état déplorable des routes d’Oran est devenu, par la force de la dégradation continuelle et chronique de son tapis et la répétition des opérations de rafistolage, le sujet de prédilection de tout un chacun et aucune artère n’est épargnée. On se met même à douter de la qualité des tapis nouvellement installés et on attend les premières pluies pour déceler les imperfections des travaux.

«Ce ne sont plus les dos-d’âne ou les nids-de-poule habituels mais on parle bel et bien de véritables tranchées creusées par les eaux de pluie».

Pour beaucoup, il est impératif de revoir tous les travaux qui ont été effectués et de demander des comptes aux entreprises responsables en cas de défectuosité constatée.

Le même constat est fait pour les fameux ralentisseurs qui détériorent le bitume malgré l’interdiction faite aux particuliers de les ériger comme bon leur semble.

Mal nécessaire pour corriger l’impétuosité de chauffards en mal de vitesse, cette pratique souligne pourtant l’absence de l’autorité qui se voit suppléer à son corps défendant par une population qui estime être dans ses droits pour se protéger avec les leurs.

«Regardez, les automobilistes ne freinent même pas à l’approche des portes du collège!», peste Meriem, mère de famille, un couffin à la main.

Comme elle, la majorité des parents d’élèves scolarisés au CEM Rahal Abbès, au quartier populaire d’Es Seddikia, craignent pour la sécurité de leurs enfants. «Au moins, qu’ils sécurisent les abords immédiats de la porte de sortie des élèves», s’inquiète Maâmar, 44 ans, venu attendre son fils et ses deux neveux.

D’autres voix les imitent pour dénoncer ce qu’ils qualifient de laisser-aller» des responsables locaux.

«La moindre des choses, c’est que les services de la voirie procèdent à la pose de ralentisseurs à même de dissuader les chauffards de piquer des pointes de vitesse à l’approche de l’établissement scolaire», propose toujours Maâmar.

Cet exemple n’est pas le seul à traduire l’inquiétude des Oranais devant les problèmes de la circulation mais également il y a lieu de noter le marasme des automobilistes locaux et ceux de passage par les rues de la ville devant des dos-d’âne qui mettent à rude épreuve leur suspension.

«Déjà qu’ils nous font payer la vignette, le contrôle technique et la taxe sur les véhicules neufs et ils ne sont même pas capables de poser des ralentisseurs qui n’agressent pas nos voitures, s’indigne Toufik, au volant de son taxi.

Il pointe un doigt accusateur sur les locataires de la mairie d’Oran, coupables de tous les maux. En effet, et dans la tradition de la gestion urbaine des affaires de la ville, le ralentisseur traduit, le plus souvent, la réaction tardive des autorités après un ou plusieurs accidents mortels de la route touchant tel ou tel quartier.

La pose des ralentisseurs est devenue, au fil des faits divers, synonyme de révolte des riverains excédés par la mort d’un voisin fauché par un chauffard en mal de vitesse. Les derniers ralentisseurs mis en place ces deux dernières années, à travers les rues d’Oran, témoignent des drames survenus sur le bitume urbain.

Ainsi la série de ralentisseurs qui ont fleuri, tout au long de la rue Buyat à Victor Hugo (Tirigou), est née suite à la mort de deux écoliers et de leur tante après avoir été percutés par un bus.

A Dar El Beïda, au niveau de l’hôpital militaire, aux Amandiers en direction d’El Hassi ou au rond-point d’El Bahia qui a déjà endeuillé plusieurs familles quelques mois seulement après l’inauguration d’un ouvrage d’art, les ralentisseurs ont fait leur apparition sous la pression des habitants qui n’hésitent plus à occuper la voie publique pour attirer l’attention des responsables sur les dangers de la route.

Au lendemain de ces manifestations, qui dégénèrent parfois, les services communaux de la voirie sont appelés en urgence pour poser ces ralentisseurs sans, généralement, respecter les normes en vigueur. Censé être une solution provisoire, le ralentisseur s’inscrit dans la durée et finit par épouser les contours du quartier.

Des esquisses de ralentisseurs, des petits, des grands, de véritables dos de chameau embrassant la tôle du véhicule à chaque passage, signalé ou se manifestant au dernier moment en provoquant souvent des carambolages, répondant aux normes ou tout simplement de véritables monticules barrant les rues, les «dos-d’âne» ont fait une bonne fois pour toutes l’unanimité contre eux.

De toute façon, les Oranais espèrent toujours que les choses évoluent dans le bon sens et qu’enfin leur ville retrouve sa véritable place sur l’échiquier national.

Ayoub el Mehdi