Une place publique noire de monde. Des jeunes dansant sous les lampions, dans la vasque du jet d’eau… partout où ils pouvaient encore trouver une place…
Des voitures et motos, des grappes humaines en délire, criaient et chantaient la victoire. Plus de 40 jeunes sur un même véhicule. La folie heureuse.
Recouverts du drapeau algérien, vêtus des couleurs nationales (tee-shirt, pantalon, casquette ou visière, écharpe…), le visage grimé aux mêmes couleurs vives.
Ils étaient préparés depuis deux semaines à cette exhibition, avec un pic, depuis jeudi, où, sur la place, drapeaux et gadgets se vendaient comme des petits pains.
Durant deux semaines, la ville était inondée de drapeaux, flottant sur les édifices, couvrant des façades entières, fermant la vue, d’un point à l’autre d’une rue.
Pas une maison, un bâtiment, un magasin n’a été épargné par le phénomène, l’émulation, la fierté, l’honneur d’arborer les couleurs de l’Algérie. C’était à qui exhibait devant chez lui, sur son balcon, sa véranda, le plus beau, le plus grand étendard (neuf pour la plupart, et fraîchement cousu).
Certains jeunes ont dû cotiser pour l’achat ou la confection d’un emblème par palier, par voisins… Même les commerçants les plus sérieux avaient affiché la tenue de l’Indépendance : pantalon ou bermuda blanc et tee-shirt vert.
47 ans sont passés sur cette même place où, leurs parents, leurs grands et arrière-grands- parents avaient dansé jusqu’au matin, sans voix, égosillés par les litanies criées à pleine gorge, à pleins poumons : « Tahia el-djazaïr » et « h’yet el Djazaïr ! ».