Des milliers de manifestants lançant des slogans hostiles au pouvoir ont défilé hier en Egypte à l’initiative de mouvements d’opposition s’inspirant de la révolte tunisienne, face à un déploiement policier massif.
Environ 15.000 personnes ont manifesté dans plusieurs quartiers du Caire, notamment aux abords de bâtiments officiels du centre-ville sous forte garde policière, ont indiqué les services de sécurité.
La police a utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour tenter de disperser plusieurs milliers de personnes, en grande partie des jeunes, rassemblées sur la grande place Tahrir et ses environs, à proximité du Parlement et de nombreux ministères.
Des rassemblements ont eu lieu dans plusieurs autres quartiers de la capitale, où 20 à 30.000 policiers étaient mobilisés. Des rassemblements ont également eu lieu en province, d’Alexandrie à Assouan, dans le delta du Nil ou dans la péninsule du Sinaï.
Les manifestants, parmi lesquels de très nombreux jeunes, lançaient des slogans en faveur de réformes sociales et politiques. Certains, comme «La Tunisie est la solution», étaient directement inspirés par les événements tunisiens qui ont conduit à la chute du président Ben Ali après 23 ans de règne.
Des manifestants ont également scandé «à bas Moubarak», en référence au président égyptien, âgé de 82 ans et en place depuis 29 ans. A Ismaïliya, sur le Canal de Suez, quelque 200 à 250 personnes se sont rassemblées pour scander «Après Ben Ali, à qui le tour?».
Le ministre de l’Intérieur, Habib al-Adli, a déclaré au journal gouvernemental al-Ahram d’hier que les organisateurs des manifestations étaient «inconscients» et a assuré que leurs appels n’auraient «pas d’impact». «Les forces de l’ordre sont capables de faire face à toute menace contre la sécurité de la population, et nous ne prendrons à la légère aucune atteinte aux biens ni aucune infraction à la loi», a-t-il ajouté.
Plusieurs mouvements militant pour la démocratie avaient appelé la population, au Caire et en province, à manifester pour faire de mardi une «journée de révolte contre la torture, la pauvreté, la corruption et le chômage». Cette journée coïncide avec la «Journée de la police », un jour férié destiné à rendre hommage aux forces de l’ordre. Cette initiative a été fortement relayée, en particulier auprès des jeunes, sur internet à travers les réseaux sociaux.
Plus de 90.000 personnes se sont déclarées sur Facebook prêtes à manifester. Elle a notamment reçu le soutien de l’opposant Mohamed ElBaradei, ancien responsable de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Les Frères musulmans, à la forte capacité de mobilisation, et le Wafd, premier parti d’opposition laïque, ne se sont pas officiellement associés à ce mouvement. Ils ont toutefois indiqué que leurs jeunes militants pourraient se joindre aux cortèges.
Avec plus de 80 millions d’habitants, l’Egypte est le pays le plus peuplé du monde arabe, et plus de 40% de sa population vit en dessous d’un seuil de pauvreté de deux dollars par jour et par personne. Plusieurs immolations par le feu ont eu lieu ces derniers jours en Egypte, rappelant celle d’un jeune vendeur ambulant tunisien mi-décembre, qui avait déclenché la révolte en Tunisie.
Le pouvoir de son côté a multiplié dernièrement les déclarations assurant que l’Egypte ne présentait pas de risque de contagion à la tunisienne. Les autorités ont toutefois laissé entendre qu’elles prenaient des dispositions pour éviter toute hausse des prix ou pénurie des produits de base, afin de ne pas aggraver le climat social.