La police massivement déployée et des manifestants se sont affrontés vendredi au quatrième jour d’un mouvement de contestation sans précédent contre le régime de Hosni Moubarak en Egypte, où l’internet qui a joué un rôle-clé dans la mobilisation était inaccessible.
Aussitôt après les prières hebdomadaires musulmanes, des accrochages ont éclaté en début d’après-midi entre policiers et manifestants devant une mosquée du Caire en présence de l’opposant le plus en vue Mohamed ElBaradei, selon une journaliste de l’AFP sur place.
« A bas Hosni Moubarak », scandaient les manifestants devant M. ElBaradei qui s’est dit prêt à mener la transition au régime de M. Moubarak.
Plus au nord, à Alexandrie, la deuxième ville d’Egypte, la police a tiré des gaz lacrymogènes et des balles caoutchoutées pour disperser plusieurs milliers de manifestants, a constaté un correspondant de l’AFP.
Les forces de sécurité étaient déployées en force dans plusieurs villes du pays, les autorités ayant prévenu qu’elles prendraient « des mesures décisives » pour faire face aux manifestations. Des dizaines de véhicules de la police avaient été vus se diriger en direction du Caire par l’autoroute d’Alexandrie.
M. Moubarak, 82 ans, un allié de l’Occident qui s’est appuyé pendant près de 30 ans sur un redoutable appareil policier et un système accusé de verrouiller la vie politique, s’est illustré par son silence depuis le début mardi de la contestation, la plus importante depuis son arrivée au pouvoir en 1981.
Pour ce « vendredi de la colère », les Frères musulmans, principale force de l’opposition dont 20 membres ont été arrêtés, et M. ElBaradei ont annoncé leur participation aux rassemblements qui ont fait en trois jours sept morts et des dizaines de blessés et entraîné plus d’un millier d’arrestations.
L’Internet et le téléphone mobile ont été largement utilisés pour appeler aux rassemblements par le Mouvement du 6 avril, un groupe de jeunes pro-démocratie inspirés par la « révolution du jasmin » ayant chassé le président Zine El Abidine Ben Ali de Tunisie.
Mais le réseau internet était coupé vendredi dans le pays, selon des hôtels et de nombreux usagers contactés par l’AFP. Quelque 23 millions de personnes avaient un accès à internet, soit près du quart de la population, selon les chiffres officiels.
Les services de messagerie téléphonique ne fonctionnaient plus non plus et le réseau des mobiles était fortement perturbé. L’Egypte compte 65 millions d’usagers du téléphone mobile.
Ces trois derniers jours, les manifestations ont été violentes, les protestataires lançant des pierres et des bouteilles incendiaires contre les bâtiments officiels et les policiers qui ripostaient par des gaz lacrymogènes, des balles caoutchoutées et aussi des pierres.
Jeudi soir, dans le nord du Sinaï, même des roquettes antichars ont été utilisées contre la police mais sans la toucher.
A Suez (nord-est), des manifestants ont mis le feu à une caserne de pompiers après avoir lancé des cocktails molotov sur la police.
Chef d’un mouvement, l’Association nationale pour le changement, qui plaide pour des réformes démocratiques et sociales, M. ElBaradei, l’ancien chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), a demandé au pouvoir l’arrêt « de la violence, des détentions et de la torture ».
L’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch, qui a fait état de neuf morts, a dénoncé un usage de la force « totalement disproportionnée » de la police.
Les manifestants réclament de meilleurs conditions de vie dans un pays où l’état d’urgence est imposé depuis près de 30 ans et où plus des 40% des 80 millions d’habitants vivent avec moins de 2 dollars par jour et par personne.
Le président américain Barack Obama a affirmé que la violence n’était « pas une solution aux problèmes en Egypte ». Tout en qualifiant M. Moubarak de « partenaire important », la Maison Blanche a dit ne pas vouloir prendre parti.
Conséquence des troubles, les matchs du championnat de football prévus vendredi et samedi ont été reportés.