Plus Hosni Moubarak s’accroche, plus la mobilisation populaire gagne en intensité. Allant jusqu’à battre tous les records.
Mardi, la place Tahrir a enregistré plus d’un million de manifestants. Et la contestation est loin de s’essouffler. Elle s’est propagée dans tout le pays. Hier, plus de 3000 manifestants ont tenté de bloquer l’accès au Parlement égyptien et le siège du Conseil des ministres non loin de la place Tahrir, pourtant protégés par l’armée, scandant à tue-tête des slogans anti-Moubarak.
Dans certaines régions, la tension entre manifestants et forces de la police est montée d’un cran, débouchant, comme celle qui a éclaté dans une ville d’une oasis dans le sud du pays, sur la mort de trois personnes et une centaine de blessés. La police a tiré à balles réelles contre des manifestants dans la ville d’El Khargo, à plus de 400 kilomètres au sud du Caire. La foule en colère a réagi en mettant le feu à sept bâtiments officiels, dont deux commissariats, un tribunal et le siège local du parti du président Moubarak, le Parti national démocrate (PND).
Cela intervient alors que plusieurs mouvements sociaux portant sur les salaires ou les conditions de travail sont apparus notamment dans des zones économiques et commerciales stratégiques tels les arsenaux de Port-Saïd, à l’entrée nord du canal de Suez, ainsi que chez plusieurs sociétés privées travaillant sur cet axe stratégique du commerce mondial.
A l’aéroport du Caire, des mouvements sociaux ont eu lieu dans certaines sociétés de services, ou parmi des employés des services de sécurité. Des fonctionnaires du département des statistiques gouvernementales ont manifesté dans la capitale. Des mouvements sociaux ont été signalés dans des usines de textiles de Mahallah, dans le delta du Nil, ou encore dans une société gazière du Fayyoum (sud du Caire), ainsi que dans la grande ville industrielle de Helwan, qui jouxte la capitale.Sur le plan politique, le vice-président est monté, encore une fois, au créneau sur un ton relativement menaçant. « La révolution des jeunes a ses côtés positifs, mais il faut prendre garde à ne pas s’embourber dans ses côtés négatifs », a prévenu Omar Souleïmane, visiblement inquiet de l’ampleur, de plus en plus grandissante, des manifestations, mais aussi et surtout devant l’intransigeante nouvelle coordination des jeunes manifestants quant à la satisfaction de ses revendications, le départ de Moubarak en tête, pour mettre fin au soulèvement et entamer la transition souhaitée.
Le président Moubarak, assure son bras droit lors d’une rencontre avec les responsables de la presse gouvernementale, est en faveur d’une véritable passation du pouvoir, appelant à « penser à l’avenir de l’Egypte, et à celui qui va mener (le pays) à l’avenir, non pas à sa personne, mais à ses qualifications et ses orientations politiques ». Critiquant les « ingérences étrangères» dans les affaires de l’Egypte, il dira : «Nous sommes convaincus que l’Egypte est visée. Pour eux, ce qui se passe est une occasion non pas pour le changement, mais (…) pour affaiblir l’Egypte et semer un chaos », a-t-il déclaré en accusant, sans les nommer, des « éléments de fournir des armes et
de menacer la sécurité nationale dans le Nord-Sinaï », où des attaques contre les symboles de l’Etat se sont multipliées ces deux dernières semaines.
Sur le terrain diplomatique, Israël, qui a privilégié jusqu’ici la carte de la prudence, est à la manœuvre. Le ministre de la Défense Ehud Barak s’est rendu aux Etats-Unis pour des entretiens officiels sur « la situation rapidement changeante en Egypte » selon le quotidien Jérusalem Post. Le Secrétaire général de la Ligue arabe, et candidat probable à la prochaine présidentielle, a assuré, dans un entretien publié hier par le quotidien français Le Monde, que la « révolution » ne va pas faiblir balayant de la main les craintes exprimées en Occident de l’émergence d’une Egypte islamiste.