Coup de tonnerre dans le ciel faussement serein de la Vallée du Nil. Le président égyptien, Mohamed Morsi, a pris aujourd’hui dimanche la lourde et inattendue décision d’invalider la décision du conseil suprême des forces armées (CSFA) de dissoudre le parlement.
Par sa décision, la plus importante qu’il prend depuis son investiture, Mohamed Morsi réhabilite le parlement dissous dans lequel les islamistes, frères musulmans et salafistes radicaux, siégeaient majoritaires. Dans son discours place Tahrir, prononcé la veille de son investiture officielle, Mohamed Morsi avait clamé haut et fort qu’il ne se laisserait pas marcher sur ses plate-bandes et qu’il entendait exercer toutes les prérogatives que lui confère sa fonction présidentielle. Il commet le passage à l’acte en assénant un violent coup de poignard dans le dos des militaires qui pensaient avoir mis suffisamment de pieux autour du périmètre présidentiel. Par sa décision, Mohamed Morsi entend également s’affranchir des militaires qui voulaient en faire un président sans réelles prérogatives. Le tout nouveau patron égyptien rompt ce qui semblait être un gentleman agreement entre les frères musulmans et l’armée. Une rupture brutale qui ne manquera pas d’avoir des conséquences sur la cohabitation entre le CSFA et le président élu. Des conséquences qu’on évaluera à l’aune de la réaction de l’institution du maréchal Tantaoui. Le CSFA, ausssitôt la décision de Morsi connue, a réagi en affirmant qu’il ne commente pas les prérogatives du président avant de souligner, sournoisement, qu’il (le CSFA, ndlr) poursuivra de détenir le pouvoir législatif. Autrement dit, il ne compte pas se dessaisir du pouvoir qu’il s’était donné après la dissolution de la chambre. Ce qui annonce un bras-de-fer entre la chambre réhabilitée et les militaires. Mohamed Morsi prévoit d’organiser des élections anticipées, 60jours après l’adoption par référendum de la constitution. Dans l’intervalle, les militaires et la chambre se disputeront le pouvoir législatif. Mohamed Morsi, notons-le, a pris sa décision à la veille de son déplacement en Arabie Saoudite, le premier pays qu’il visitera en tant que président de l’Egypte. Aurait-t-il été inspiré dans sa volonté de s’émanciper de l’armée par les gardiens du temple Wahhabite?
Hamid Guerni