Egypte, Morsi dans la tourmente

Egypte, Morsi dans la tourmente
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Le bras de fer entre les frères musulmans au pouvoir et l’opposition laïque et libérale prend une proportion dangereuse.

Pendant le mardi de la peur, marqué du sceau de la plus importante mobilisation contre les « pouvoirs souverains » élargis du président Mohamed Morsi depuis son élection en juin, le tout Tahrir réinvesti par des jeunes en colère et les 27 provinces sont en ébullition. Comme ce fut le cas depuis une semaine, des heurts sporadiques ont eu lieu près de la place mythique, aux abords de l’ambassade des Etats-Unis, entre des jeunes et les forces de police qui répondaient aux jets de pierres par des gaz lacrymogènes.

Les victimes de la nouvelle Egypte, porteuse d’espoir de changement et de liberté, traduisent le malaise ambiant. Selon l’Alliance populaire, un petit parti de gauche, un de ses militants est mort asphyxié. Ce qui a été confirmé par une source médicale. Il s’agit donc du troisième décès en une semaine d’affrontements. Au moins 100 personnes ont été blessées, la veille, à l’occasion de ces manifestations, dont 21 au Caire, selon le ministère de la Santé. Dans cette crise politico-institutionnelle, l’héritage de la révolution du 25 janvier oppose deux visions de l’Egypte caractérisée par l’islamisme politique hégémonique au pouvoir, travaillant à la concentration de tous les pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), et la coalition libérale fédérant des partis laïcs, des courants révolutionnaires et, même, une formation islamisante (l’Egypte forte).

Sous la dénomination de « Front du salut national », animée par le libéral Mohamed Baradeï et le socialiste Hamdine Sabbahi, l’opposition politique est en guerre larvée contre Morsi et conditionne l’ouverture du dialogue par l’abrogation du décret contesté. Elle est confortée par la montée au créneau de la société civile, représentée par la jeunesse contestataire, les juges et les journalistes menaçant de se retirer de l’Assemblée constituante. Deux importantes institutions judiciaires se mettent de la partie : la Haute Cour constitutionnelle, dénonçant les accusations de partialité de Morsi et décidant de suspendre ses travaux jusqu’à l’annulation du décret, bientôt suivie par la Cour de cassation en grève.

LG Algérie

Où va l’Egypte de Morsi qui se prépare à manifester, samedi prochain, au Caire, après avoir procédé à l’annulation de la précédente marche par crainte « de troubles et d’affrontements » avec les partisans du camp adverse ? Le péril de l’« impasse constitutionnelle » font craindre le pire pour les Etats-Unis jugeant la situation « pas claire ». La porte-parole du département d’Etat, Victoria Nuland, a affirmé, dans son point de presse quotidien, que « nous continuons à consulter différentes parties pour comprendre comment elles évaluent la situation ».

Mais, l’appréciation selon laquelle Morsi est « loin d’un autocrate » n’est pas partagée par l’ambassade américaine qui relève, dans son tweet, que « le peuple égyptien a clairement indiqué lors de la révolution du 25 janvier qu’il en avait assez de la dictature ». Des divergences ? Un porte-parole pour les questions du Moyen-Orient, Edgar Vasquez, a toutefois nié qu’il y ait eu des messages contradictoires venant du département d’Etat américain. « Notre position est et a été que les aspirations de la révolution égyptienne étaient de s’assurer que le pouvoir ne soit pas concentré de façon démesurée dans les mains d’une seule personne ou d’une seule institution ».

L’arme du chantage financier est brandie pour inciter « l’Egypte (à) suivre le chemin de la réforme pour être sûre que l’argent du Fonds monétaire international aide bien à stabiliser et à revitaliser une économie dynamique, fondée sur les principes du marché ».

Au FMI, l’avertissement est clair sur l’éventualité d’un « changement majeur » de la politique économique de nature à remettre en cause le pré-accord sur le plan d’aide de 4,8 milliards de dollars nécessaire à la relance de l’économie égyptienne. Sombres perspectives.

Larbi Chaabouni