Égypte, Les limites de l’arme de la coopération européenne

Égypte, Les limites de l’arme de la coopération européenne
egypte-les-limites-de-larme-de-la-cooperation-europeenne.jpg

La poigne de fer du général Abdelfattah Sissi, convaincu de la nécessité de mener à terme le combat contre le terrorisme, a fait de nouvelles victimes dans l’organisation des Frères musulmans, décapitée.

Au lendemain de l’arrestation du guide suprême de la confrérie islamiste, Mohamed Badie, les forces de sécurité ont mis la main sur d’importantes figures du mouvement islamiste visé par des centaines de mandats d’arrêt : le porte-parole du Parti de la liberté et de la justice, Mourad Ali, et l’influent prédicateur Safwat Hegazy.

Le processus de décapitation qui fait peser le risque de l’entrée en clandestinité de la confrérie a fait grincer des dents la communauté internationale, écartelée entre la dénonciation quasi unanime de la terrible répression et la caution du coup de force de l’armée, légitimé par le soutien populaire massif. Washington, qui se dit ainsi déçue par le non-respect de « l’engagement à un processus politique rassembleur », ne sait plus sur quel pied danser.

Au pire, le « mauvais message de Washington » ne soulève aucune inquiétude chez le gouvernement intérimaire regrettant tout au plus les tensions actuelles. Le démenti américain quant à une éventuelle suspension de l’aide militaire (1,5 milliard de dollars/an) et économique (250 millions de dollars) a quelque peu rassuré sur la solidarité d’une relation stratégique. Finies les équivoques ? « Il y a beaucoup d’incompréhension et je suis sûr que le temps passera et sera bénéfique », a plaidé le Premier ministre Mohamed El-Beblaoui, qui se veut rassurant sur « la bonne direction » prise par l’Egypte et partageant in fine avec la diplomatie américaine l’inexistence du risque de « guerre civile ».

Face aux Etats-Unis, assurant 80% des dépenses d’équipement de l’armée égyptienne et fondamentalement soucieuse de l’avenir des accords de paix israélo-égyptiens, l’Europe qui ne pèse pas lourd et ne parle pas de la même voix. Le « message fort » qu’elle entend délivrer par les 28 ministres des Affaires étrangères, en conclave pendant 3 heures, hier mercredi, prend la forme d’une « série d’options » présentée par la chef de la diplomatie de l’UE, Catherine Ashton : le « plus pour plus », conditionnant le programme d’aide par la démocratie, revendiqué par le Finlandais Frans Timmermans, la suspension de l’aide financière préconisée par le Danemark ou, encore, l’arrêt de la livraison d’armes à laquelle a appelé l’Allemagne.

Le deuxième financeur veut rester « constructif ». Car pour le représentant spécial de l’UE pour le sud de la Méditerranée, Bernardino Leon, ayant effectué plusieurs visites au Caire ces dernières semaines, « une solution politique est toujours possible ». Le réalisme britannique fait le reste.

En raison de « l’influence peut-être limitée » de l’Europe, le Britannique William Hague estime que « nous devons faire de notre mieux pour promouvoir les institutions démocratiques et le dialogue politique et garder foi dans la majorité des Égyptiens qui veulent simplement un pays stable et en paix ».

Que peut-elle faire lorsque le puissant allié américain rechigne à faire le pas d’une rupture frontale avec une Egypte qui se refuse à toute forme d’ingérence et à une « utilisation de la coopération » comme moyen de pression ? A l’exception d’un Qatar en marge de la riposte collective du CCG, le Golfe se mobilise pour apporter un soutien indéfectible aux autorités égyptiennes. Le Koweït, les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite avaient promis une enveloppe totale de 12 milliards d’euros dans les jours qui ont suivi la destitution de Morsi, bien loin du programme d’aide estimé à 5 milliards d’euros pour la période 2011/2013.

Larbi Chaabouni