Le général Sissi, promettant une riposte « des plus énergiques », est donc passé à l’acte. Au 6e jour du démantèlement des camps d’El Adawiya et d’Ennahda, suivi par l’évacuation musclée de la mosquée El Fatah, le guide suprême des Frères musulmans, Mohamed Badie, a été arrêté, dans la nuit de lundi à hier mardi, dans un appartement proche de la place Rabaâ Al-Adawiya.
Ironie de l’histoire : Badie retrouvera dans la prison de Tora, banlieue cairote, Moubarak, qui pourrait être libéré, selon son avocat Farid El Dib, cette semaine, car innocenté dans trois affaires et actuellement détenu pour la quatrième et dernière affaire de corruption.
Destins opposés ? Un symbole est tombé. Hier, l’Egypte s’est réveillée donc avec l’image de la figure emblématique des Frères musulmans, emmitouflé dans une djalabia blanche traditionnelle et emmené par la police, l’air prostré. La chute du guide a fait le tour des télévisions publiques et privées, frappées du sceau de la lutte contre le terrorisme et vantant les mérites du coup de force imparable.
Selon un haut responsable de la sécurité, le guide suprême, terré dans la place emblématique de Rabaâ El Adawiya, a été repéré par la police et interpellé avec deux cadres et six gardes du corps, sans opposer de résistance. Le processus de décapitation touche un encadrement pratiquement neutralisé : les deux adjoints, Khairat al-Chater et Rachad Bayoumi, et le chef du PLJ (Parti de la liberté et de la justice) et ex-président du Parlement, Saâd al-Katatni, incarcérés pour « incitation au meurtre ». Mais aussi, des cadres à l’image de Mohamed Zawahiri, le frère du chef d’al Qaïda, et des milliers de militants.
Tout comme leur leader, Mohamed Badie, tous les détenus doivent être jugés à partir du 25 août. Last but not least, le président déchu, en détention préventive, est tombé, depuis lundi, sous le coup du nouveau chef d’accusation de « complicité de meurtre et torture » de manifestants.
La page chaotique des Frères musulmans est-elle définitivement tournée ? La menace de dissolution brandie par le Premier ministre intérimaire signe un échec monumental d’un mouvement politico-religieux porté au pouvoir par la « révolution du 25 janvier » et, paradoxalement, chassé manu militari par les alliés d’hier de la place Tahrir qui se réclament de la « révolution du 30 juin », totalement opposée à la dérive dictatoriale de Morsi, accusé également d’incompétence.
Dans le camp des Frères musulmans, la succession se fait dans la continuité pour affirmer la force d’un mouvement qui, en perdant la tête, tend à préserver son équilibre. Badie, qui « n’était qu’un individu parmi les millions qui s’opposent au coup d’Etat », a été remplacé illico presto par l’un de ses adjoints, Mahmoud Ezzat, présenté comme « l’homme de fer ». Sur le site internet, il est précisé qu’« il assumera les fonctions de guide suprême sur une base temporaire ».
Mais le démantèlement de l’appareil politique impose, du point de vue de nombreux spécialistes, une longue période de réadaptation d’un mouvement qui doit tirer les « leçons du fiasco de Morsi », faites de sectarisme et de velléités hégémonistes en rupture totale avec les attentes démocratiques de la société pour s’imprégner davantage de la culture de la « bonne gouvernance ».
Larbi Chaabouni