Le second tour de la présidentielle devrait opposer l’islamiste Mohammed Morsi à l’ex-général Ahmed Chafiq.
Seize mois après la chute de Hosni Moubarak, cette opération de communication en temps réel démontre certes que les Frères musulmans, forts de 600.000 à un million de membres selon les estimations, n’ont pas leur pareil pour quadriller le pays. Contrairement aux autres candidats, il semble que Mohammed Morsi ait réussi à déployer des délégués dans la quasi-totalité des bureaux de vote. Pourtant, l’avance du candidat de la confrérie semblait vendredi après-midi étonnamment mince.
Selon des estimations diffusées par les frères musulmans, il aurait réuni 25 % des suffrages, devançant de peu l’ex-général de l’armée de l’air Ahmed Chafiq. Le candidat «nassérien» Hamdine Sabahi arriverait en troisième position à l’issue d’une percée inattendue. L’islamiste «libéral» Abdel Moneim Aboul Fotouh et l’ex-secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa, donnés pour favoris durant toute la campagne, semblent en revanche nettement distancés.
«Aujourd’hui, est un grand jour», a voulu se réjouir jeudi soir Essam el-Erian, vice-président de la confrérie, dès que les premières tendances ont été diffusées. «Ce sont des élections de la vérité qui vont ouvrir la voie à la justice sociale et à la liberté pour tous les Égyptiens. Musulmans et chrétiens, jeunes et vieux, hommes et femmes: nous nous battons depuis 80 ans pour que tous les habitants de ce pays puissent vivre libres.» Martelant que leur victoire finale ne fait aucun doute, bien que leur poids électoral semble en recul depuis les législatives de novembre, les responsables de la confrérie ont précisé, à l’intention de la presse internationale: «Nous voulons construire la démocratie et tous les investisseurs doivent savoir que nous allons garantir un environnement stable.»
Des révolutionnaires déçus
Si la course en tête de Mohammed Morsi était attendue, le bon score d’Ahmed Chafiq, qui fut l’éphémère premier ministre de Hosni Moubarak durant la révolution et qui incarne l’ancien régime aux yeux de nombreux Égyptiens, a été reçu comme un coup de massue par les jeunes révolutionnaires. «Je ne veux pas y croire, murmure Noureldine Mahmoud, un étudiant qui fut de toutes les manifestations place Tahrir. Nous avons désormais le choix entre le candidat des Frères, qui veulent confisquer tous les pouvoirs, et celui de l’armée qui ne connaît rien à la politique.» Le célèbre blogueur Issandr el-Amrani évoque pour sa part «un scénario de cauchemar» et prédit un retour de l’agitation.
«Il est évident que Chafiq est inacceptable par les révolutionnaires, s’inquiétait récemment l’éditorialiste du magazine el-Musawar, Hamdy Rizk. Son élection, parce qu’elle gommerait tout ce qui s’est passé depuis le 25 janvier 2011, serait perçue par la population comme une véritable déclaration de guerre.» Pour l’heure, les organisations de jeunes activistes n’ont pas formellement réagi à la diffusion des résultats partiels. Ces derniers jours, le Conseil suprême des forces armées a toutefois mis en garde contre une éventuelle tentation de contester les résultats. Dans une menace à peine voilée, les militaires se sont engagés à protéger par tout moyen «la légitimité institutionnelle» issue du vote.