Les deux Egypte continuent de se faire face dangereusement même si l’espoir des retrouvailles laisse entrevoir les chances d’un dégel des relations tendues. La rencontre du général Abdel Fattah Sissi avec des dirigeants islamistes est en soi une avancée dans la recherche d’une solution pacifique.
« Il y a encore des chances pour une solution pacifique à la crise à condition que toutes les parties rejettent les violences », a déclaré, dans un communiqué, le porte-parole de l’armée, le colonel Ahmed Aly. Si, à cet effet, la menace d’intervention est pour le moment suspendue, le retour au langage de l’apaisement ne signifie pas pour autant la fin des hostilités.
L’ancien ambassadeur d’Egypte aux Etats- Unis et ministre des Affaires étrangères, Nabil Fahmy, qui confirme l’existence de « contacts entre différentes personnalités », préfère ne pas évoquer le terme de « négociations ». Il a précisé qu’« il n’y a pas le souhait d’utiliser la force s’il y a d’autres possibilités susceptibles de réussir ».
Une source militaire a indiqué que six figures religieuses et politiques, dont les deux influents cheïkhs salafistes Mohammed Hassan et Mohammed Abdel Salam, présents au sit-in de Rabaa El Adawiya, ont participé aux discussions tenues, à l’aube, en l’absence des Frères musulmans. Dans cette partie de bras de fer, rien n’est définitivement acquis. Dans le camp islamiste, qui revendique une solution politique négociée au sein du Front de salut public (FSN), selon le porte-parole de la délégation, Tarek El Malt, les lignes rouges n’ont pas bougé : le préalable du retour à la légitimité constitutionnelle et, fait nouveau, l’exigence que « Sissi ne fasse pas lui non plus partie de l’équation politique ».
La fin de non-recevoir des islamistes, communiquée au secrétaire d’Etat adjoint, William Burns, verrouille les perspectives de dialogue et plombe la médiation de la dernière chance. Au milieu du gué, le secrétaire d’Etat adjoint, qui a rencontré le ministre égyptien des Affaires étrangères et des membres des Frères musulmans, est confronté à une situation kafkaïenne. En se mettant à dos les islamistes, ébranlés par la déclaration de John Kerry affirmant que l’armée a « rétabli la démocratie » à la demande des « millions et millions de manifestants », Washington n’a pas aussi bonne presse au niveau des autorités de transition. « Nous nous demandons vraiment quel est le rôle des Etats-Unis, de l’Union européenne et de toutes les autres forces internationales qui sont pour la sécurité et le bien-être de l’Egypte.
Vous avez laissé tomber les Egyptiens, vous leur avez tourné le dos, et ils ne l’oublieront pas », a asséné le général Sissi dans un entretien accordé au Washington Post. Il estime que « si nous n’avons pas agi, cela se serait transformé en guerre civile » et appelle, en conséquence, les Etas-Unis à exercer des pressions sur les islamistes. « La porte est ouverte à tous, y compris aux Frères musulmans, pour participer au processus » politique, a martelé le général Sissi. Tel est l’enjeu d’une médiation de la dernière chance : le dialogue ou la force en ultime recours.
Larbi Chaabouni