Egypte : Le mouvement de protestation s’amplifie

Egypte : Le mouvement de protestation s’amplifie

Le mouvement de protestations ne cesse de s’amplifier en Egypte, où des appels à une grande marche pour mardi et à une « grève générale ouverte » jusqu’à la satisfaction des revendications, ont été lancés par les organisateurs pour exiger le départ du président Hosni Moubarak. Des organisateurs ont lancé lundi des appels à une « marche d’un million » de personnes pour mardi et à « une grève générale ouverte » afin de renforcer davantage le mouvement de contestation en Egypte.

« Il a été décidé dans la nuit qu’il y aura une marche d’un million de personnes mardi », a déclaré un organisateur du mouvement, cité par des agences de presse, ajoutant qu’une « grève générale ouverte » aurait lieu à partir de lundi.



« Nous nous joindrons aux travailleurs de Suez et commencerons une grève générale jusqu’à ce que nos demandes soient satisfaites », a déclaré un autre organisateur.

Bravant le couvre-feu en vigueur au Caire, à Suez, à Ismaîly et en Alexandrie, et qui va être prolongé d’une heure, des centaines de milliers d’Egyptiens continuaient à investir les rues des principales villes du pays pour exiger notamment le départ du président Moubarak, au pouvoir depuis 30 ans. Le départ de ce dernier est toutefois « devenu une quasi-certitude répandue », estiment des analystes et experts américains en politique étrangère. Après une semaine de protestations, le président Moubarak s’est retrouvé dans l’obligation d’opérer des changements au pouvoir afin d’apaiser la tension grandissante. Il a nommé Ahmed Chafik au poste de Premier ministre en replacement du démissionnaire Ahmed Nadhif.

Le président Moubarak a aussi désigné, le chef des Renseignements égyptiens, Omar Souleimane en tant que vice-président, un poste premier du genre en Egypte depuis l’arrivée de Moubarak au pouvoir en 1981.

Moubarak a chargé ensuite le nouveau Premier ministre de promouvoir la démocratie en dialoguant avec l’opposition et de rétablir la confiance dans l’économie du pays. Jugées insatisfaisantes, ces réformes ont été rejetées par le mouvement des Frères musulmans et par l’ancien chef de l’agence internationale de l’énergie atomique, Mohamed El-Baradei (opposition), dénonçant « une tentative pour contourner les revendications du peuple et pour faire avorter sa révolution ». « L’Egypte est au début d’une ère nouvelle », a déclaré dimanche M. El-Baradei, en réclamant le départ de Moubarak devant des milliers de manifestants anti-gouvernementaux réunis au Caire. « Nous avons une demande essentielle: le départ du régime et le début d’une nouvelle ère, une nouvelle Egypte, dans laquelle tout Egyptien vivrait dans la liberté et la dignité », a-t-il insisté.

Pour le prix Nobel de la paix El-Baradei, « le changement ne peut venir que de l’Egypte elle-même ». « Ce que nous avons commencé, nous devons le poursuivre, nous ne pouvons plus revenir en arrière », a-t-il souligné. Dimanche matin, des partis de l’opposition du front pour le changement de Mohamed El-Baradei et d’El-Wafd avaient tenu deux réunions et ont convenu de la formation une coalition incluant tous les courants y compris les Frères Musulmans. Ils ont à cette occasion mandaté El-Baradei de négocier avec le régime en place.

Au Caire depuis jeudi dernier, M. El-Baradei s’était déjà proposé de conduire une éventuelle transition politique en Egypte.

De nombreux pays et organisations mondiales et régionales se sont déclarés préoccupés par les manifestations en Egypte, appelant le président Moubarak à « engager un processus de changement » face aux « revendications légitimes » du peuple égyptien.

Chaînes interminables pour les denrées alimentaires en dépit de la hausse des prix

Poussés par l’état de panique qui sévit en Egypte suite aux manifestations persistantes appelant au changement et en raison de l’allongement de la durée du couvre-feu, les citoyens se rendent en grand nombre aux points de vente des produits alimentaires pour les stocker par crainte de lendemains incertains.

Des chaînes interminables ont été remarquées depuis dimanche devant les commerces de produits alimentaires, notamment le pain, suite à la fermeture de nombreux centres commerciaux et au pillage dont ont fait l’objet d’autres. Des rumeurs circulent également sur une décision des autorités d’arrêter la vente de pain pour deux semaines.

Les quartiers de Agouza, Sayyida Zeyneb, Al Haram et d’autres ont été envahis par des citoyens nombreux qui se sont massés devant les commerces de produits alimentaires. Une effervescence qui a provoqué des énervements et des altercations.

Les stations d’essence ont été, elles aussi, gagnées par ces chaînes du fait d’un manque d’approvisionnement, que les gérants imputent aux difficultés d’accès pour certains camions et à la situation sécuritaire précaire dans certains endroits.

Le directeur exécutif de l’entreprise générale du pétrole Abdallah Gherab a affirmé, pour sa part, que cette situation n’était pas généralisée dans toute l’Egypte, précisant que la circulation routière avait beaucoup baissé ce qui implique, selon lui, une diminution de la consommation.

Pour le ministère du pétrole, la crise est provisoire, précisant que des efforts sont déployés pour approvisionner certains secteurs vitaux telles les boulangeries et les centrales électriques.

Les prix des produits alimentaires comme le sucre, le riz et la semoule ont augmenté dans les marchés de gros au même titre que les prix des fruits et légumes qui ont quasiment doublé en raison des difficultés d’acheminement des marchandises du fait du couvre-feu.

Les cartes de rechargement des téléphones portables sont introuvables, les points de vente ayant épuisé leurs stocks ces trois derniers jours en raison de la situation sécuritaire et du couvre-feu décrété de 15 h à 8 h et de la suspension des services Internet depuis vendredi, ont indiqué les travailleurs des centres de télécommunications.

Selon des médias, l’armée a sécurisé les marchés de gros après les pillages dont ils ont été victimes et qui ont contraint les commerçants à suspendre leurs activités.

L’Union générale des chambres de commerce a exhorté les entreprises, les usines et les commerçants à approvisionner les marchés, notamment en médicaments et en produits alimentaires.

Des sources responsables au niveau des chambres de commerce ont précisé que la situation n’était pas sécurisée, d’où les craintes des fournisseurs que leurs véhicules et camions de marchandises ne soient pillés.

Les banques et la Bourse demeurent, quant à elles, fermées pour la deuxième journée consécutive.

Mourad Mowafi nommé à la tête des services de renseignement égyptiens

Le président égyptien Hosni Moubarak a nommé lundi le général Mourad Mowafi au poste de chef des services de renseignements, en remplacement de Omar Souleimane, promu samedi au titre de vice-président, a rapporté la presse gouvernementale. Selon le journal al-Ahram, le président Moubarak a nommé l’ancien gouverneur du Sinaï-Nord, le général Mowafi, à la tête des services de renseignements, dans le cadre des changements opérés ces derniers jours par le chef de l’Etat, confronté à un mouvement de contestation populaire.

Formation d’un nouveau gouvernement

Un nouveau gouvernement a été formé en Egypte, a annoncé hier la télévision officielle égyptienne, citant un décret du Président Hosni Moubarak.

L’UE réclame des élections « libres et justes »

Les ministres européens des Affaires étrangères ont appelé hier, à des « réformes démocratiques substantielles » conduisant à la tenue d’élections « libres et justes » en Egypte, théâtre de manifestations populaires réclamant le départ du président Hosni Moubarak.

Dans une déclaration adoptée lors d’une réunion à Bruxelles, ils appellent les autorités égyptiennes « à se lancer dans une transition dans le calme via un gouvernement de rassemblement conduisant à un processus authentique de réformes démocratiques substantielles ».

Celles-ci doivent conduire « à des élections libres et justes », précise le texte, qui reconnaît aussi « les aspirations légitimes et les souffrances de la population égyptienne ».