La situation est de plus en plus confuse en Égypte. Au bout d’une semaine d’un soulèvement populaire sans précédent contre le pouvoir, plus de 125 morts, des milliers de blessés et une situation d’anarchie et d’insécurité qui fait craindre le pire, ni la rue, ni Moubarak n’ont cédé. Le Raïs peut-il tenir longtemps devant une telle pression ?
Kamel Amarni – Alger (Le Soir) – Les manifestations, de plus en plus nombreuses, de plus en plus grandioses à travers toutes les grandes villes du pays, notamment au Caire, malgré le durcissement du couvre-feu qui a été prolongé d’une heure (de 15h à 8h), n’ont qu’un seul mot d’ordre : le départ de Moubarak et de tout son régime. Ce à quoi le président égyptien n’a répondu qu’avec des nominations : il demande au gouvernement de Ahmed Nadhif de démissionner, puis nomme le chef des services de renseignement au poste de vice-président et, hier, il a désigné le général Mourad Mowafi à la tête de ces mêmes services. En début d’après-midi, il a procédé à la nomination du nouveau gouvernement que conduira Ahmed Chafik.
Un gouvernement dont la seule nouveauté notable est le changement du ministre de l’Intérieur. Habib El Adli, très décrié, sera remplacé par un général de la police, Mahmoud Wagdi.
Ce, tandis que seront reconduits quasiment tous les autres titulaires des portefeuilles importants, comme la défense et les affaires étrangères. Mieux, Moubarak charge son nouveau Premier ministre d’engager «un dialogue avec tous les partis de l’opposition», se mettant, de fait, dans la posture d’un président au-dessus de la mêlée, comme s’il n’était pas personnellement concerné. Il donne en tout cas l’impression d’un président qui est là jusqu’au bout, son mandat courant jusqu’à octobre prochain. Ayant déjà fait descendre l’armée dans la rue, Moubarak a ordonné à la police d’y retourner, après une étrange éclipse depuis samedi. Il maintient par ailleurs les mesures restrictives sur le réseau internet et celui de la téléphonie mobile, la fermeture des bureaux de la chaîne qatarie Al Jazeera. Pour atténuer l’impact de l’appel à une «marche géante» pour aujourd’hui lancé par l’opposition, il ordonne l’arrêt complet de tout le trafic ferroviaire à travers tout le pays, depuis hier au matin. D’habitude très prompts à réagir, dans le cas égyptien notamment, les Américains ne se sont pas empressés, cette fois, à «commenter» les dernières décisions du Caire. Le département d’Etat ne s’était «manifesté» qu’une seule fois, dans la journée d’hier et pour uniquement exiger «la libération des six reporters d’Al Jazeera», arrêtés par la police égyptienne. Libération obtenue immédiatement, du reste.
Un «silence» qui équivaut position : une sorte de «complicité » s’agissant des dernières nominations au sommet de l’Etat. L’Union européenne a, pour sa part, préféré une position extrêmement prudente, se contentant d’un vague et timide appel «à un dialogue avec l’opposition » et à «une transition ordonnée». Un diplomate européen a confié même à l’AFP, sous couvert de «l’anonymat» que «certains veulent dire à Moubarak de s’en aller. D’autres plaident qu’on lui donne du temps.
Le scénario catastrophe serait l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans ». La ministre espagnole affirmera, quant à elle : «L’Égypte a un rôle important dans tous les processus de paix et nous voulons qu’elle continue à jouer ce rôle», pour expliquer les hésitations européennes et américaines quant à la position à prendre par rapport à l’avenir immédiat de Moubarak. Américains comme Européens se préoccupent, en revanche, de la sécurité de leurs ressortissants en Égypte et pratiquement tous ont décidé leur rapatriement. Des milliers d’étrangers ont quitté l’Égypte hier, tandis que de nombreuses entreprises occidentales ont «suspendu» leurs activités dans le pays.
K. A.