Le fossé qui divise la société égyptienne s’élargit. « Tamarod », un mouvement créé en avril dernier par l’opposition, veut pousser le président Mohamed Morsi vers la sortie.
Principaux griefs retenus contre le raïs : dégradation du climat politique et économique, chute des investissements étrangers, fuite des touristes, augmentation du chômage, aggravation de l’insécurité, tensions confessionnelles. Fort de ses 15 millions de signatures recueillies sur 42 millions d’électeurs inscrits, ce mouvement compte reprendre place Tahrir dès demain, jour anniversaire de l’investiture du raïs, pour « imposer une présidentielle anticipée » qui permettra de « réaliser les objectifs de la révolution, avec en tête la justice sociale ».
En riposte, les partisans de Morsi ont appelé à des démonstrations de force sous le slogan « la légitimité est une ligne rouge » devant la mosquée Rabaa al-Adawiya de Nasr City, au Caire. « Jusqu’à ce que la légitimité du président ne soit plus remise en doute », disent-ils. Pris en tenailles entre les deux « parties », les citoyens, qui ont entendu leur président déclarer « afin de résoudre les problèmes du pays, il faut licencier les fonctionnaires responsables de blocages », stockent tout (riz, farine, sucre …).
Le pays des Pharaons, qui enregistre déjà ses premiers morts et blessés, se réveillera-t-il lundi matin plongé dans une spirale de violence ? Morsi ne l’exclut pas. « La polarisation politique et les conflits ont atteint un stade qui menace notre expérience démocratique naissante et qui menace d’entraîner l’ensemble de la nation dans un état de paralysie et de chaos », dit-il dans un discours télévisé où il a accusé les « ennemis de l’Egypte » coupables à ses yeux de vouloir saboter le système démocratique issu de la révolution de 2011.
Il propose des réformes et l’étude d’un éventuel amendement de la Constitution dont le texte est contesté par l’opposition qui favorise, dit-elle, « une concentration des pouvoirs au profit des islamistes » et « tend à islamiser la législation ». L’opposition refuse de l’entendre. Théodore II, le patriarche orthodoxe qui a déclaré que les coptes sont libres de manifester aussi. Même Ahmed al-Tayyeb, le grand imam de la mosquée d’al-Azhar, se met de la partie. « S’opposer au président n’est pas contraire à l’islam », dit-il mettant en pièces une pseudo fatwa des Frères musulmans qui se font un devoir de soutenir un « frère ». Dans ce bras de fer, le ministre de la Défense se positionne.
« Nous interviendrons s’il le faut pour empêcher l’Egypte de plonger dans un tunnel sombre de conflits et de troubles », déclare Abdelfattah Al-Sissi, avant d’ordonner le déploiement des renforts dans les villes clés du pays pour protéger les établissements vitaux. Certains médias égyptiens affirment le conseil suprême des forces armées aurait élaboré un scénario « en cas d’absence de Morsi » : une période de transition d’un an et demi à deux ans, avec une présidence collégiale dirigée par le président de la Cour suprême, un gouvernement restreint, une nouvelle Constitution et de nouvelles élections.
Djamel Boukrine