Égypte, L’armée dicte la feuille de route

Égypte, L’armée dicte la feuille de route

L’égypte contestatrice, rivée sur l’emblématique place Tahrir toute vouée à la « révolution du 30 juin », renoue avec les manifestations massives pour tenter de déloger le président Morsi.

Dans ce qui est considéré comme étant « la plus grande manifestation dans l’histoire de l’Egypte », le peuple du « millionième » s’est livré à une démonstration de force pour trancher dans le vif la question de la légitimité désormais consacrée par la « volonté populaire » s’opposant à la « légitimité démocratique » brandie par le pouvoir islamiste. Ils étaient, selon une source militaire, près d’un million de manifestants, au Caire et en Alexandrie, et 14 millions sur l’ensemble du territoire, à engager l’épreuve de force avec le régime Morsi.

Des images diffusées par les télévisions du monde entier ont montré l’immeuble en feu attaqué par des dizaines de personnes qui lançaient des pierres et des cocktails Molotov auxquels les islamistes ont répondu par tirs de chevrotine et à l’arme automatique. La fracture entre les deux Egypte, porteuse de dérives sanglantes redoutées par la communauté internationale, présente déjà un lourd bilan : 16 morts et 781 blessés, selon le ministère de la Santé. Et la tension est à son paroxysme. Mais le défi de Tamaroud, fort de la caution de 22 millions de signataires, est renforcé par la déferlante populaire et la cascade de démissions des parlementaires et de quatre ministres (Tourisme, Environnement, Communication, Affaires juridiques et parlementaires).

L’étau semble se resserrer sur le président Morsi sommé de partir au plus tard aujourd’hui à 17h00 (15h00 GMT) sous peine de « désobéissance civile totale ». Dans un communiqué publié sur son site Internet, le mouvement Tamaroud, revendiquant « une présidentielle anticipée », a interpellé l’armée, la police et l’appareil judiciaire à « clairement se positionner du côté de la volonté populaire ». L’opposant nationaliste de gauche, Hamdeen Sabbahi, plaide pour une intervention de l’armée pour « faire respecter la volonté du peuple », alors que le Front du salut national (FSN), fédérant l’opposition laïque et libérale, appelle « toutes les forces révolutionnaires et tous les citoyens à maintenir leurs rassemblements pacifiques sur les places, dans les rues et les hameaux du pays… jusqu’à la chute de tous les éléments de ce régime dictatorial ».

La question est sur toutes les lèvres : que fera l’armée placée en position d’arbitre et garante de la stabilité du pays ? Le ministre de la Défense et chef de l’armée, Abdel Fattah al-Sissi, a tracé la ligne rouge il y a une semaine en déclarant qu’« il est du devoir national et moral de l’armée d’intervenir pour empêcher les violences confessionnelles ou l’effondrement des institutions de l’Etat ». Mais, dans un climat aussi délétère, la donne a fondamentalement changé. Dans un message lu à la télévision, le commandement militaire, tout en souhaitant que « les revendications du peuple soient satisfaites », a fixé un ultimatum de 48 heures aux deux parties « comme dernière chance de prendre leurs responsabilités face aux circonstances historiques auxquelles le pays fait face ».

A contrario, « une feuille de route et des mesures pour superviser leur mise en œuvre » seront prises par l’armée décidée de faire le ménage dans une maison égyptienne délabrée. Serait-ce le début de la fin du « printemps arabe » dans sa version égyptienne ? A tout le moins, la place Tahrir exulte. Une symbolique : le retour de l’armée au cœur de la citadelle imprenable des manifestants explosant de joie.

Larbi Chaabouni