«L’Egypte ne sera plus jamais la même», déclare Barack Obama appelant le Conseil suprême des forces armées, l’institution chargée de la gestion des affaires du pays depuis la démission forcée de Hosni Moubarak, à assurer une transition vers une démocratie «crédible» et «véritable» et ….honorer les accords de paix conclus avec Israël en 1979.
L’armée qui est «confiante dans la capacité de l’Egypte, de ses institutions et de son peuple à surmonter la délicate situation actuelle», s’engage à ne pas se substituer à la «légitimité voulue par le peuple» et à prendre les mesures nécessaires aux légitimes «changements radicaux» réclamés par la «Révolution du Nil» depuis le 25 janvier. Elle promet une «transition pacifique du pouvoir» qui «préparera le terrain à un pouvoir civil élu en vue de construire un Etat démocratique libre».
Forte de ses 450 000 hommes (711 000 avec les réserves) la Grande muette qui a gelé de la Constitution et dissout le Parlement où domine le Parti national démocrate de Moubarak, assure aussi que Le Caire respectera les traités «régionaux et internationaux» signés. Notamment le traité de paix signé en 1979 avec Israël qui agite le spectre d’un scénario «à l’iranienne».
Dans son «communiqué numéro 4», le Conseil suprême des forces armées annonce qu’il a décidé de maintenir «provisoirement» le gouvernement du général Ahmad Chafic, nommé le 31 janvier dernier par Moubarak, «pour assurer la gestion des affaires courantes. «Le gouvernement actuel et les gouverneurs continueront de travailler jusqu’à ce qu’un nouveau gouvernement soit formé», explique le Conseil.
Sans s’avancer sur un quelconque calendrier. Le maréchal Mohamed Hussein Tantaoui, 75 ans, le nouvel homme fort du pays, qui a décidé d’alléger de quatre heures le couvre-feu imposé le 28 janvier au Caire, Alexandrie (nord) et Suez (est), demande aux Egyptiens de «coopérer» avec la police civile pour que «règnent l’entente et la coopération». Les Egyptiens qui le considèrent comme rétif au changement et surtout comme un proche de longue date du président déchu et d’Omar Souleimane, le suivront-ils malgré l’aura de l’institution militaire qu’il dirige ? Des activistes pro-démocrates campent toujours place Tahrir au Caire. Ils ne lèveront pas le camp tant que le Conseil suprême militaire n’aurait pas accepté leurs revendications. Dont l’implication civile dans le processus de transition, la levée de l’état d’urgence en vigueur depuis 1981 et la libération de tous les prisonniers politiques.
Décodées, les incertitudes font jour en Egypte où l’armée, une institution qui n’est pas très homogène (laïque et républicaine au sommet elle est pro milieux islamistes radicaux au niveau de la troupe) n’a pas encore dit comment elle compte s’y prendre pour restaurer la stabilité tout en répondant aux aspirations au changement démocratique. Dont «une élection présidentielle libre et transparente» d’un candidat dont le monde connaîtra la fortune avant et après sa prise de fonctions, et la fin à l’état d’urgence «dès la fin des conditions actuelles». Elle n’a pas indiqué par quel processus concret elle compte réformer un système dont elle est l’épine dorsale, depuis le renversement de la monarchie en 1952. Tout comme elle n’a pas indiqué comment elle compte répondre à certains défis socioéconomiques dans un pays sclérosé par trente années d’un pouvoir autoritaire et corrompu et depuis peu par une désertion de touristes.
Selon des analystes, des dissensions pourraient surgir en son sein. Surtout si la rue ne se satisfait pas des «arrangements» que lui proposeront les nouveaux «détenteurs du pouvoir» et Souleimane qui est plus apprécié à Washington qu’au Caire pour sa gestion d’un processus de paix qui fait peu de cas des Palestiniens. «Les Egyptiens doivent faire attention à ne pas se faire voler leur révolution», prévient Hassan Nafaa, professeur de sciences politiques à l’université du Caire.