L’Egypte tend, à son tour, à s’installer durablement dans la tourmente. Hier mercredi, et pour la seconde journée de suite, des dizaines de milliers de personnes ont investi les rues du Caire et d’autres villes du pays pour réclamer le départ de Hosni Moubarak et son clan, au pouvoir depuis 1981.
Kamel Amarni – Alger (Le Soir) – La férocité de la répression avec laquelle le pouvoir égyptien a réagi depuis le premier jour fait craindre le pire : mardi, déjà, on dénombrait 4 morts, dont un policier. Au Caire et dans la ville de Suez, les heurts entre les manifestants et la police ont été particulièrement violents. Initiée par le «Mouvement du 6 avril», un groupe de jeunes se proclamant d’obédience démocrate, cette contestation a été ralliée, hier, par quasiment toute l’opposition égyptienne qui redoute d’être dépassée par les événements.
Notamment le très activiste mouvement des Frères musulmans. La réaction du Caire ne s’était pas fait attendre : pas moins de 500 arrestations parmi les manifestants, interdiction, par le ministère de l’Intérieur, de toute forme de manifestation publique et perturbation de l’internet, qui, comme en Tunisie, joue un rôle de premier plan dans ce mouvement de protestation. Des réactions telles, que les alliés traditionnels du régime égyptien sont mis dans l’embarras. La secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, qui affirmait mardi que «le gouvernement égyptien est stable malgré les manifestations», est revenue à la charge, hier, pour lancer : «Nous appelons toutes les parties (en Égypte ndlr) à faire preuve de retenue et à s’abstenir de recourir à la violence ».
Aussi, poursuit-elle, «nous soutenons les droits universels du peuple égyptien, notamment la liberté d’expression, d’association et de rassemblement et nous appelons les autorités égyptiennes à ne pas empêcher les manifestations pacifiques et à ne pas bloquer les communications, particulièrement celles des réseaux sociaux».
Formulant les mêmes demandes à l’endroit du Caire, le porte-parole de la Maison Blanche, Robert Gibbs, précisera toutefois que «l’Égypte est pour nous une alliée proche et importante, et elle continuera à l’être». Autrement dit, les Américains n’entendent nullement se faire «surprendre», comme c’était le cas de la France par exemple concernant la Tunisie, dans le cas de l’Égypte. Ils demandent juste au régime de Moubarak de s’amender, en concédant quelques libertés fondamentales, afin d’éviter un scénario «à la Ben Ali».
C’est, en substance, quasiment le même type de réactions enregistrées hier tant au niveau de l’Union européenne, de l’ONU et de Londres. Hosni Moubarak, cédera-t-il pour autant aux «pressions amicales» de ses alliés ? Plus que jamais, le Raïs est devant un dilemme : s’il «ouvre» comme le lui exige Washington, il aura, pour sûr, une vague de protestations qu’il lui sera difficile de contenir, tant est grande son impopularité à travers tout le pays.
Davantage que Ben Ali, l’homme qui a imposé une chape de plomb sur l’Égypte depuis 30 ans ne peut qu’être rejeté par une rue qui n’attendait qu’un déclic. S’il n’ouvre pas, il s’exposera également aux poussées de cette même rue, avec le soutien des Américains en moins. Assurément, les prochaines heures seront cruciales pour le règne de Moubarak et l’avenir immédiat de l’Égypte. Tout dépendra, en fait, de la détermination de la rue…
K. A.