Le président n’aurait pas quitté la tête du Parti national démocrate, le parti au pouvoir en Egypte, rapporte la télévision d’Etat, contredisant des premières informations. Peu auparavant, la télévision avait annoncé la démission du bureau exécutif du PND.
Est-ce le début de la fin pour Moubarak?
De cafouillages en cafouillages, la journée de samedi a été confuse, tant en Egypte qu’à l’étranger. De hauts responsables du parti au pouvoir en Egypte ont remis samedi leur démission.
« Les membres du comité exécutif ont démissionné de leurs postes », a annoncé en fin de journée la télévision d’Etat égyptienne. « En tant que président du Parti national démocrate (PND), le président Hosni Moubarak a décidé de nommer Hossam Badrawi secrétaire général du parti », a précisé la chaîne, écartant les rumeurs sur la démission du raïs de la tête de son propre parti.
Le fils du président, Gamal Moubarak, a été évincé du poste de président du comité politique du PND, au profit également de M. Badrawi, connu pour avoir de bons rapports avec l’opposition.
Gamal Moubarak, 47 ans, était jusqu’à récemment considéré par beaucoup comme le successeur potentiel de son père, au pouvoir depuis 1981. Si Washington avait appelé vendredi M. Moubarak à s’effacer le plus rapidement possible, un émissaire du président Barack Obama pour l’Egypte, Frank Wisner, a déclaré samedi qu’il devait « rester en place pour mettre (les) changements en oeuvre ». « Je considère donc que le maintien à la direction du pays de M. Moubarak est vital. C’est l’occasion pour lui de déterminer ce qu’il laissera, il a consacré 60 ans de sa vie au service de son pays; c’est le moment idéal pour lui pour montrer la voie à suivre », a-t-il dit. Des déclarations faites en tant que « simple citoyen » a plus tard précisé un responsable américain.
Les démissions au sein du parti ne calment pas les manifestants
Sur la place Tahrir, emblème de la contestation antigouvernementale dans le centre du Caire, des milliers de manifestants demandaient toujours samedi soir le départ immédiat du président Moubarak. La démission de la direction du parti présidentiel « c’est comme des cartes que l’on jette sur la table afin de plaire à la rue », a dit Mahmoud Momen, un homme d’affaires de 46 ans.
« Les piliers du régime s’écroulent, ce qui signifie que la révolution de la jeunesse a causé un important séisme », a affirmé de son côté Farid Ismaïl, un membre en vue des Frères musulmans.
Dans l’après-midi, un officier de l’armée égyptienne a tenté en vain de persuader ces manifestants de quitter la place Tahrir, arguant que leur mouvement anti-Moubarak paralyse l’économie de la capitale. « Vous avez tous le droit de vous exprimer mais s’il vous plaît, sauvez ce qui reste de l’Egypte. Regardez autour de vous », a lancé à la foule Hassan al Roweni, muni d’un porte-voix et juché sur une tribune. Les manifestants ont répondu par des cris appelant à la démission du président égyptien.
L’officier est descendu de la tribune en déclarant: « Je ne parlerai pas au milieu de tels slogans. » Un peu plus tôt dans la journée, les militaires avaient dégagé une partie de la place centrale du Caire pour tenter d’y rétablir la circulation automobile. « Les gens peuvent rester sur la place, mais pas sur la chaussée », a expliqué Hassan al Roweni aux manifestants. Un cordon de militaires a séparé les contestataires rassemblés près du Musée égyptien, à une extrémité de la place, du reste de la foule. Certains manifestants ont protesté, accusant l’armée d’oeuvrer pour le compte du Parti national démocrate, le parti au pouvoir. « Elle veut faire comme si tout était redevenu normal sur Tahrir, pour que le monde croit que les manifestants ont été satisfaits et ont quitté la place », a déclaré l’un d’entre eux.
Une église en flammes près de Gaza
Une église de Rafah, dans le Sinaï égyptien à la frontière avec la bande de Gaza, était en flammes samedi, ont indiqué à des témoins, dont l’un a affirmé avoir entendu une explosion. Des flammes et de la fumée s’élevaient de l’église Mar Guirguis après une explosion dont l’origine était encore inconnue, a indiqué un témoin. Un autre, qui se trouvait à une centaine de mètres de là, a affirmé avoir vu des hommes armés à moto devant le lieu de culte.
Tirs nourris entendus dans la nuit
Des coups de feu nourris ont été entendus dans la nuit de vendredi à samedi place Tahrir, où plus de 10 000 personnes se sont rassemblés, bravant le couvre-feu dont la durée a été réduite de 19h à 6h. Les coups de feu ont semé la panique pendant quelques minutes au sein de la foule des manifestants anti-gouvernementaux rassemblés, selon un correspondant de l’AFP.
Excuses aux journalistes
Alors que la Société interaméricaine de Presse (SIP) a demandé aux autorités égyptiennes de respecter les traités internationaux sur la protection du travail de presse, le ministre égyptien des Finances Samir Radwan a présenté ses excuses pour les cas de « mauvais traitements » infligés aux journalistes et manifestants par les forces de l’ordre, dans une interview à CNN.
Le directeur du bureau d’Al-Jazira au Caire arrêté
En dépit de ces excuses, la chaîne de télévision satellitaire qatarie Al-Jazira a annoncé samedi que le directeur de son bureau au Caire et l’un de ses journalistes avaient été arrêtés, au lendemain de la mise à sac du bureau. Les autorités égyptiennes ont déjà interdit depuis le 30 janvier à la chaîne, qui couvre largement le soulèvement contre le président Hosni Moubarak, de travailler en Egypte. Al-Jazira a toujours eu des relations tendues avec le gouvernement égyptien.
Libération de deux journalistes de Canal +
La chaîne privée Canal+ a annoncé vendredi soir la libération de deux journalistes d’une agence de presse française qui travaillaient pour elle, arrêtés jeudi par des forces de sécurité au Caire. Dans la nuit, l’ONG de défense des droits de l’homme Amnesty International a annoncé que deux de ses employés arrêtés la veille au Caire avaient été libérés.
La chef de la diplomatie française, Michèle Alliot-Marie, s’est félicitée samedi dans un communiqué de ces libérations. « Michèle Alliot-Marie a appris avec un grand soulagement que le chercheur et les journalistes français avaient pu être retrouvés sains et saufs en Egypte », indique ce communiqué, en rappelant que la ministre avait demandé à son homologue Ahmed Aboul Gheit « que tout soit mis en oeuvre pour (qu’ils) soient localisés et remis immédiatement en liberté ».
L’UE exige de nouveau une « transition maintenant »
Les dirigeants européens ont appelé vendredi les autorités égyptiennes à satisfaire les aspirations de leur peuple « par la réforme, pas la répression » et déclaré que le transfert du pouvoir à un gouvernement élargi devait commencer immédiatement.
La haute représentante pour les Affaires étrangères de l’UE, Catherine Ashton, se rendra au Caire dans les jours qui viennent pour voir avec le nouveau vice-président égyptien Omar Souleimane comment l’Europe peut soutenir le processus de transition. Une petite note discordante : Silvio Berlusconi a loué les qualités du président égyptien et a souhaité que la transition s’effectue avec lui.