Ce n’est un secret pour personne les frères musulmans, parvenus au pouvoir démocratiquement en Egypte il y a un an, sont très proches de la CIA et des Etats-Unis, du moins jusqu’à leur éviction par un coup d’Etat militaire dont certains y voient la patte de l’oncle Sam. Ainsi dans la guerre soutenue par les forces atlantistes contre le gouvernement d’Assad, les Frères Musulmans sont devenus l’avant garde de l’assaut impérialiste occidental.
La nébuleuse des Frères musulmans serait coordonnée par la Muslim Association of Britain de Londres, s’appuyant sur la banque Al-Taqwa (Wikipedia) et a été financée et soutenue par la CIA dès les années soixante ( LePoint Quand la CIA finançait les Frères musulmans ; lire aussi chez History 1954-1970: CIA and the Muslim Brotherhood Ally to Oppose Egyptian President Nasser).
En Egypte « Les réunions secrètes et répétées des responsables des Frères avec les Américains laissent penser à un marchandage pour un soutien U.S. (auprès de l’armée) à leur prise de pouvoir, en contrepartie d’un alignement sans réserve des Frères sur les positions américaines. » (Le Grand Soir De la démystification des Frères).
Avec la chute du président Morsi c’est la coalition anti-Assad qui s’effondre suite aux déboires de la Turquie (RIA Novosti Le renversement de Morsi porte un coup à la coalition anti-Assad). Si les manifestations populaires contre le régime du président Morsi qui ont repris sur la place Tahrir visaient à restaurer les idéaux et les réformes prônées par le mouvement populaire égyptien bafoué par les frères musulmans affidés des USA, l’intervention de l’armée égyptienne – qui ne cache pas ses affinités avec l’ancien dictateur Moubarak et son inimitié vis à vis de Morsi et ses frères – apparaît non seulement comme un coup d’Etat militaire mais aussi comme un processus contre-révolutionnaire appuyé pour certains observateurs par l’oncle Sam.
Selon Global Research, les frères musulmans auraient été considérés comme des « remplaçants » transitoires à Moubarak et non comme une « alternative » (Global Research.ca Was Washington behind Egypt’s coup d’Etat. Did the Pentagone gve the green light ?). Pour Michel Chossudovsky, l’Egypte est le bénéficiaire principal de l’aide militaire après Israel.
C’est un allié solide dans la région et si l’armée égyptienne a choisi cette position offensive en démettant un président élu démocratiquement, elle ne peut l’avoir fait qu’avec le feu vert du Pentagone (Global Research The Pentagon was behind Egypt’s Military Coup).
Ainsi l’administration Obama se refuse à dénoncer le coup d’Etat permettant au congrès de continuer à subventionner l’armée égyptienne et investir dans le pays à hauteur de 2 milliards de dollars par an. La reconnaissance du coup d’Etat par Washington obligerait le Congrès à supprimer tous les crédits envers l’armée égyptienne.
« The coup is proceeding with Washington’s full support. The Obama administration has even cynically sought to avoid admitting that what is taking place in Egypt is a coup, as this would legally bar Washington from paying its yearly $1.3 billion subsidy to the Egyptian army.US congressmen have also indicated that they favor ignoring the law to continue backing the coup.
“The law by its terms dictates one thing, and sensible policy dictates that we don’t do that,” Democratic Representative Howard Berman told the New York Times. “That’s why the executive branch gets to decide whether it’s a coup or not. Under the plain meaning rule, there was a coup.” However, Berman added that he opposed cutting off aid to the Egyptian army. « (WSWS Violent clashes spread in Egypt as US backs army coup ).
Le coup d’Etat viserait non seulement à éliminer les frères musulmans jugés insufisamment dociles mais surtout à éviter que le mouvement révolutionnaire né en Egypte l’emporte, soit défavorable aux intérêts américains et israeliens et construise une alternative démocratique solide en Egypte qui sorte ce pays de l’ornière nécoloniale dans laquelle il est maintenu depuis des décades par les forces impérialistes. Ainsi selon le Wall Street Journal (After The Coup in Cairo.
The USA shouldn’t cut off aid to a new Egyptian government), les USA pourraient profiter de ce coup d’Etat afin de relancer une économie égyptienne moribonde qui leur soit plus favorable au travers d’une junte militaire comparée à celle de Pinochet et qui serait selon ce quotidien une chance de stabilité pour les Egyptiens mais aussi pour les investissements états-uniens. « Washington can also do more to help Egypt gain access to markets, international loans and investment capital. The U.S. now has a second chance to use its leverage to shape a better outcome.
Egyptians would be lucky if their new ruling generals turn out to be in the mold of Chile’s Augusto Pinochet, who took power amid chaos but hired free-market reformers and midwifed a transition to democracy. » En clair un retour à un régime à la Moubarak favorable aux intérêts économiques et géopolitiques US tout en imposant un ordre strict dans le pays source de retour à une stabilité favorable aux échanges commerciaux avec les USA.
Cette action militaire risque pourtant de plonger le pays dans le chaos. Va-t-on vers une junte militaire à la Moubarak ou vers un gouvernement civil fantôche ? Retour à la case départ ? Stratégie du chaos ?
Le risque est grand de voir le syndrome algérien se reproduire en Egypte. En effet en 1990 une faction de l’armée algérienne, suite aux élections remportées démocratiquement par le front islamique du salut (FIS), a confisqué le pouvoir en Algérie sous prétexte de lutter contre le terrorisme.
« Lors des élections locales de 1990, premières élections libres en Algérie, le FIS avait remporté 953 communes sur 1539 et 32 wilayas (provinces) sur 48. Le 26 décembre 1991 a eu lieu le premier tour des élections législatives. Le FIS obtient 188 sièges sur 231, soit près de 82 %, le FFS 25 sièges et le FLN 15 sièges, les candidats indépendants remportent 3 sièges. Prenant acte de la situation qui prévalait, et qui risquait de tourner à son désavantage, l’armée décide le 11 janvier 1992 de pousser le chef de l’État, le président Chadli Bendjedid à la démission et d’interrompre le processus électoral.
Les assemblées communales et départementales dirigées par les élus du FIS sont par ailleurs dissoutes et les militants et sympathisants de la formation qui vient de remporter le premier tour du scrutin législatif sont emprisonnés ou expédiés dans des camps établis dans le sud saharien. » (Wikipedia) Cette junte militaire a pu créer les conditions d’une terrible guerre civile qu’elle a remporté militairement pour s’accaparer les richesses du pays (notamment le pétrole et le gaz).
En Egypte, les partisans du président Morsi sont dans leur bon droit et ont à juste titre l’impression qu’on leur vole leur victoire démocratique incontestable d’il y a un an. Va-t-on vers une guerre civile (rappelant ce qui s’est passé en Algérie) qui servirait les intérêts de l’armée égyptienne sous influence US ou vers une modification de la constitution comme ce fut le cas en France lorsque l’armée avec à sa tête le Général de Gaulle prenait le pouvoir en 1958 – dans le contexte de la guerre d’Algérie – en créant la Vème République renvoyant le Parlement à l’état de simple caisse enregistreuse des décisions gouvernementales et s’arrogeant avec son état major le pouvoir exécutif sans le moindre contrôle ?