Pour la cinquième journée d’affilée, la police et l’armée égyptiennes ont tiré des coups de feu et fait usage de gaz lacrymogène et de matraques, mardi 20 décembre, contre des manifestants hostiles au pouvoir militaire. Au moins quatre personnes ont été blessées. Les forces de l’ordre tentaient une nouvelle fois de déloger les protestataires de la place Tahrir, au Caire.
D’intenses fusillades ont résonné tandis que les forces de sécurité chargeaient la centaine de manifestants qui refusaient de quitter les lieux, ont déclaré des activistes et un journaliste de Reuters. « Des centaines de membres de la sûreté de l’Etat et de l’armée ont pénétré sur la place et ont commencé à tirer sans relâche. Ils ont poursuivi des manifestants et brûlé tout ce qui était sur leur passage, y compris du matériel médical et des couvertures », a témoigné Ismaïl, un manifestant, au téléphone.
Des violences que « regrette profondément » le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui dirige la pays. Surtout celles dont sont victimes les femmes : « Le Conseil suprême des forces armées exprime aux femmes d’Egypte ses profonds regrets pour les atteintes qui se sont produites lors des affrontements récents au cours des manifestations devant le Parlement et le siège du gouvernement », a affirmé le CSFA dans un communiqué. Et de promettre « toutes les mesures légales pour que les responsables de ces atteintes rendent des comptes ».
CONFRONTATION AVEC LE PEUPLE
Une jeune femme arrêtée et frappée par l’armée égyptienne, samedi 17 décembre.REUTERS/STRINGER
Les images d’une femme à terre brutalisée par les forces de l’ordre et traînée au sol au point de faire apparaître ses sous-vêtements ont en effet choqué de nombreux Egyptiens. Le quotidien indépendant Tahrir, fondé après la chute du président Hosni Moubarak en février, fustigeait en une « les forces qui attentent à l’honneur », avec une photo d’un soldat tenant une femme par les cheveux tandis qu’un autre brandissait une matraque au-dessus d’elle. La veille, un quotidien avait montré en une la photo d’une manifestante voilée, dont les soldats découvraient le soutien-gorge et le ventre en la frappant et en la traînant sur la chaussée.
L’armée, elle, se défend. « Depuis le début de la révolution, des forces malveillantes tentent d’entraîner l’Egypte dans le chaos et placent l’armée dans une situation de confrontation avec le peuple, a déclaré le général Adel Emara, assurant qu’il s’agissait d’un incident isolé et que l’armée n’avait pas donné l’ordre d’évacuer la place Tahrir par la force. Ce qui est en train de se passer n’a rien à voir avec la révolution et sa jeunesse pure, qui n’a jamais souhaité mettre à terre ce pays. »
MORT EN DÉTENTION
Les protestataires avaient tenté de briser un mur de briques érigé pour bloquer l’accès au Parlement, situé non loin de la place Tahrir. De sources médicales, on estime que treize personnes sont mortes et des centaines d’autres ont été blessées depuis le début de ces nouveaux affrontements, vendredi. Les manifestants affirment que ce bilan va s’alourdir avec la dernière intervention des forces de l’ordre.
Des personnalités politiques et des membres du Parlement ont tenté de se rendre sur la place mardi mais ils ont fait demi-tour en raison des fusillades, a ajouté le manifestant joint par téléphone. Une source militaire a fait état de 164 arrestations. Une source au sein des services de sécurité a déclaré qu’un jeune homme de 26 ans était mort en détention sans que l’on connaisse la cause de son décès.
Dix mois après le renversement de Hosni Moubarak, une partie de la population soupçonne l’armée de profiter de son rôle à la tête du processus de transition pour tenter de conserver le pouvoir. D’autres savent gré aux militaires de chercher à maintenir le calme et l’ordre afin de permettre le bon déroulement des élections, qui se déroulent par phases depuis fin novembre.
Les dernières violences sur la place Tahrir ont provoqué l’incendie de la bibliothèque de l’Institut d’Egypte, fondé il y a plus de deux siècles. « Que ressentez-vous lorsque vous voyez l’Egypte et son histoire brûler sous vos yeux ? » s’est indigné le général à la retraite Abdel Moneim Kato, conseiller de l’armée, dans le journal Al-Chorouk, dénonçant des « vagabonds qui mériteraient de brûler dans les fours crématoires de Hitler ».