Égypte, Adli tend la main aux Frères musulmans

Égypte, Adli tend la main aux Frères musulmans

Les « partisans » de Mohamed Morsi refusent de s’avouer vaincus. Ils continuent de dénoncer et bruyamment dans la rue le « coup de force » de l’armée. « Jusqu’au retour au pouvoir de leur président élu démocratiquement », disent-ils, faisant fi du lourd bilan enregistré déjà : plus de 80 morts et 1000 blessés.

Adli Mansour, le président de la Haute Cour constitutionnelle, qui a été nommé mercredi président intérimaire par les militaires, a connu son premier accroc samedi. Désignant Mohamed ElBaradei, 71 ans, au poste de Premier ministre par intérim, il a fini par reculer et faire savoir qu’il n’a pas pris de décision finale même si ce choix reste à ses yeux « le plus logique ».

« On ne peut pas parler de réconciliation nationale et ensuite nommer Premier ministre l’opposant le plus virulent de Mohamed Morsi », déclare Nader Baqqar un haut responsable d’al-Nour, un parti salafiste partenaire de la coalition composée essentiellement de mouvements laïques. « C’est pour ne pas braquer les islamistes de tous bords qui reprochent à l’ancien chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique d’être plus populaire dans les salons du Caire que dans les campagnes égyptiennes et ne pas pousser les salafistes dans les bras des Frères musulmans », expliquent les analystes. Comme pour rassurer ces derniers, il leur tend pour la seconde fois, en 24 heures, la main. « Tout le monde a sa place dans ce pays », dit-il estimant que les Frères musulmans auront, comme le reste de la classe politique, de « multiples occasions de se présenter aux élections, y compris la prochaine présidentielle ».

Sur les colonnes de Der Spiegel, ElBaradei déclare : « J’appelle à l’intégration des Frères dans le processus de démocratisation », dit-il estimant que « personne ne devrait être traduit en justice sans une raison convaincante ». Selon le prix Nobel de la paix 2005, ces deux principes sont des « préalables à la réconciliation nationale ». « Je me suis fixé comme ligne rouge de ne pas travailler avec quiconque qui ne respectera pas la tolérance et la démocratie », précise-t-il espérant des élections législatives et présidentielle « dans un an au plus tard ». « Je suis prêt à accepter une nouvelle victoire des Frères musulmans s’ils respectent les principes de la démocratie », conclut ElBaradei non sans avoir pris le soin de donner une précision sur ce qui s’est passé en Egypte la semaine passée.

« Ce n’était pas un coup d’Etat », dit-il. « C’est une réponse aux 20 millions de personnes qui sont descendues dans la rue parce que cela ne pouvait pas continuer comme ça ».

En attendant, les difficultés à venir du prochain gouvernement se dessinent. Parmi celles-ci, la remise en marche d’un pays non seulement au bord d’une banqueroute économique mais aussi et surtout scindé en deux qui menacent la stabilité et la sécurité du pays, la préparation des élections législatives et présidentielle, à une date encore non déterminée, la gestion des procès en cours des hauts dirigeants des Frères musulmans. Selon la presse égyptienne, les responsables d’al-Nour sont divisés.

Certains font pression sur le président par intérim pour mieux négocier les portefeuilles ministériels. D’autres plaident pour un retrait de leur parti du processus de transition si ElBaradeï était confirmé à la tête du gouvernement. « L’Egypte se trouve au seuil d’une guerre civile », prévient Vladimir Poutine, le président russe. Pas seulement l’Egypte, apparemment. Des appels à imiter le mouvement Tamarrod (rébellion) ont été lancés en Tunisie et en Libye.

Djamel Boukrine