Au moins trois manifestants ont été tués vendredi au Caire dans des échanges de tirs entre partisans de Mohamed Morsi et soldats, au cours d’une journée de forte mobilisation en faveur du président islamiste déchu après un coup militaire.
Les tirs, qui ont eu lieu aux abords d’un bâtiment de la Garde républicaine, une unité militaire notamment chargée de protéger la présidence, ont aussi fait de nombreux blessés.
Deux corps sans vie qui ont été recouverts d’un drap blanc, et un troisième gisant, la tête fracassée par une balle, a constaté un journaliste de l’AFP.
Partis d’une mosquée de Nasr City, un faubourg du Caire, où ils campent depuis plusieurs jours, des milliers de manifestants islamistes ont scandé «Morsi est notre président» et «Traîtres!» devant la Garde républicaine.
Ils ont ensuite essayé d’accrocher sur les barbelés entourant le bâtiment une photo de l’ex-chef d’Etat, bravant à deux reprises les avertissements des soldats, avant que les tirs n’éclatent.
Les pro-Morsi ont appelé à manifester en masse «pacifiquement» pour cette journée intitulée «vendredi du refus», afin de défendre la légitimité de l’ex-chef d’Etat renversé mercredi par un coup militaire, et dénoncer l’«Etat policier» qui a arrêté de nombreux dirigeants des Frères musulmans, la confrérie dont est issu M. Morsi.
Le camp adverse a réagi en appelant à des manifestations massives pour «défendre la révolution du 30 juin», allusion à la journée ayant vu les plus importantes manifestations contre le président déchu.
Des avions de combat survolaient le Caire où de nombreux blindés étaient déployés, après que le ministère l’Intérieur a prévenu qu’il répondrait «fermement» à tout trouble.
Avant les tirs devant la Garde républicaine, Human Rights Watch (HRW) a d’ailleurs réclamé une «enquête rapide et impartiale pour déterminer les responsables» de la cinquantaine de morts déjà survenues depuis une dizaine de jours.
Après la destitution de M. Morsi, aujourd’hui détenu, et le lancement d’une vague d’arrestations contre les Frères musulmans, l’armée, a appelé à rejeter la «vengeance» et à oeuvrer pour «la réconciliation nationale».
Attaques contre l’armée dans le Sinaï
Embarrassé après le renversement du premier président démocratiquement élu d’Egypte même s’il était contesté par une grande partie du peuple, l’Occident a encore exprimé son inquiétude, Washington demandant au pouvoir de ne pas procéder à des «arrestations arbitraires» dans le camp islamiste.
Avant l’aube, des violences ont éclaté, cette fois-ci dans la péninsule du Sinaï, où un soldat a été tué et deux blessés dans des attaques simultanées de militants islamistes contre des postes de police et militaires, selon une source médicale.
La mise à l’écart de M. Morsi a été annoncée par son ministre de la Défense et chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, nouvel homme fort du pays, après des manifestations d’une ampleur inédite réclamant sa chute et après que l’armée a jugé qu’il n’était pas à même de sortir le pays de la crise.
Le président de la Haute cour constitutionnelle Adly Mansour, désigné dirigeant intérimaire du pays par l’armée, a prêté serment jeudi.
Il a appelé sur la chaîne britannique Channel 4 à l’«unité», affirmant qu’il y avait eu «assez de divisions».
Le coup de l’armée, soutenu par une grande partie de la population, par l’opposition et par de hauts responsables religieux, ouvre la voie à une nouvelle et délicate période de transition dans le plus peuplé des pays arabes, près de deux ans et demi après la chute de Hosni Moubarak en février 2011.
«Eviter une guerre civile»
Pour le représentant de l’opposition Mohamed ElBaradei, l’intervention de l’armée pour faire partir M. Morsi a été une «mesure douloureuse» mais nécessaire pour «éviter une guerre civile». L’armée n’a pas l’intention de diriger le pays, a-t-il dit à la BBC, promettant «un gouvernement civil sous une semaine».
La feuille de route sur la transition politique, rédigée par l’armée et négociée avec l’opposition et les principaux dignitaires religieux musulmans et chrétiens du pays, prévoit un cabinet «doté de pleins pouvoirs».
Elu en juin 2012, M. Morsi était accusé de tous les maux politiques, sociaux et économiques du pays par ses adversaires, qui dénonçaient une volonté des Frères musulmans de monopoliser le pouvoir et de restaurer un système autoritaire.
Ses partisans, eux, soulignent que les problèmes du pays existaient avant son arrivée.
Plusieurs ONG égyptienne de défense des droits de l’Homme ont dénoncé la fermeture de médias proches des islamistes depuis l’éviction de M. Morsi.
L’Union africaine a de son côté suspendu l’Egypte, en rejetant «toute prise illégale du pouvoir».