Malgré tous les efforts consentis et les budgets publics mobilisés pour la relance de la dynamique du développement local, les activités liées à l’économie rurale peinent à se libérer du giron de l’informel.
Le caractère exclusivement familial dans lequel évoluent les principales branches d’activités, notamment celles relevant de l’agriculture de montagne, éloigne les économies locales de la tendance de structuration que les pouvoirs publics se sont fixé comme objectif prioritaire à travers les différents programmes de développement amorcés durant le dernier quinquennat.
Ce constat ressort en substance d’une étude menée par une universitaire de la faculté des sciences économiques de l’université de Tizi Ouzou, en l’occurrence, Rosa Aknine Soudi, portant sur deux filières distinctes et jouissant d’un fort potentiel dans la région de Tizi Ouzou, à savoir l’huile d’olive et le miel. L’étude en question met l’accent sur les pratiques informelles et la contrefaçon, deux défis auxquels les filières en question sont confrontées.
A cet égard, l’universitaire estime que « l’économie informelle, identifiée souvent aux milieux urbains, trouve son essor dans un environnement économique et social hostile. Mais de nouvelles formes sont observées aujourd’hui, plus discrètes car s’appuyant sur les rapports sociaux du village, haut lieu des solidarités traditionnelles » et, pour étayer son constat, Mme Aknine se penche sur les filières oléicole et apicole en guise d’illustration, en soulignant : « C’est l’exemple de la production/commercialisation de miel et d’huile d’olive en Kabylie où l’informel est un moyen de survie inventé par une population sans emploi pour assurer revenus et ascension sociale. Ayant pu perdurer depuis des décennies il (l’informel en l’occurrence, ndlr) constitue aujourd’hui une dynamique économique au sein du village, c’est le socle de son économie ».
Toutefois, l’étude met en exergue une multitude de facteurs qui incitent souvent les populations locales au recours aux pratiques informelles, notamment dans le cas des produits du terroir. Pour l’auteure, les maux sociaux comme la dégradation du pouvoir d’achat des ménages, le chômage ou l’échec scolaire sont en partie les principales causes de la généralisation des pratiques informelles. « Le recours aux activités de la débrouille, liées à l’économie informelle, s’explique souvent par un environnement économique hostile, l’accès difficile à l’emploi, le coût élevé de la vie », souligne-t-elle en ajoutant, en conséquence, « l’illégalité des activités exercées est imputable à la situation d’un chômage structurel, une situation de vie difficile et défavorable, etc. ».
Dans ce climat, l’informel prédomine dans les activités liées à la production et la commercialisation de l’huile d’olive et du miel à telle enseigne que, pour la région de Tizi Ouzou, les autorités ne sont pas en mesure d’identifier d’une manière exhaustive ni le potentiel, ni les acteurs et encore moins le volume de production ou les rendements, malgré un potentiel important existant. Du coup, c’est la contrefaçon qui s’y invite pour s’ériger en règle. Actuellement, il est rare, voire quasi impossible, de trouver sur le marché un acteur desdites filières qui puisse prouver l’authenticité de son produit.
Pour l’avenir, le pronostic qui se dégage de l’étude en question n’est pas moins pessimiste. Mme Aknine soulignera à cet égard : « Nées informelles, les activités du miel et de l’huile se structurent de manière à durer comme activités informelles. Il ne s’agit pas d’une phase transitoire vers le formel ou une activité en attente d’une régularisation. Elles sont appelées à demeurer informelles et constituer une source de financement de l’investissement. L’épargne informelle va être investie dans le secteur informel et/ou des entreprises familiales ».
Mourad Allal