Près de trois ans après son lancement, en juin 2010, le site d’information Dernières Nouvelles d’Algérie (DNA) « quitte la scène médiatique », annonçait, samedi dernier sur sa page Facebook, le directeur de la publication, Farid Alilat. Basé exclusivement sur les recettes publicitaires, qui se font rares, le modèle économique de DNA est devenu problématique du fait de la réticence des annonceurs. Explications
Quelles sont les raisons de l’arrêt du site d’information DNA ?
Dans un entretien que j’ai accordé à un confrère algérien en juin 2010 j’avais dit : « Nous n’avons ni bailleur de fonds, ni milliardaire, ni régie publicitaire derrière nous. Nous avons lancé le site avec un petit budget. Notre seule source de revenus sera la publicité. » Presque trois ans après, nous n’avons pas changé de ligne de conduite. Nos revenus publicitaires ne permettant pas d’assurer l’existence et la pérennité du site, j’ai donc décidé de mettre un terme à cette aventure bien que l’audience soit très bonne.
Les recettes publicitaires ne sont-elles pas suffisantes pour faire fonctionner le site ?
Hélas non. Faire exister un site et une rédaction demande beaucoup de moyens financiers. Mettre en ligne des informations, faire des enquêtes et des reportages nécessite d’énormes fonds que ne nous n’avons pas. Depuis le lancement de DNA en juin 2010, seuls trois annonceurs ont décidé de nous faire confiance : Aigle Azur, Nedjma et Général Emballage. Je les remercie ici. Et ce n’est pas faute d’avoir démarché tous les annonceurs qui s’affichent dans la presse algérienne.
La rédaction comptait combien de journalistes ? Tous pigistes ?
La rédaction reposait sur une moyenne de 5 journalistes, tous des collaborateurs, hormis le directeur qui est permanent. Je dois dire que certains journalistes ont travaillé avec nous bénévolement parce qu’ils croyaient dans ce projet.
Le modèle économique d’un site Web d’information n’est-il pas viable ?
Le journalisme web repose sur quatre modèles : l’accès payant, l’abonnement, le mécénat et la publicité. Nous avons opté pour le quatrième modèle parce que les trois premiers ne nous convenaient pas. Comme je vous l’ai dit, pour notre part, les revenus générés par la publicité n’ont pas été suffisants. On aurait pu peut-être continuer ainsi en attendant que les annonceurs viennent. Mais cela se ferait au détriment de la qualité des informations que nous mettons en ligne. Faire du bon journalisme, sérieux, crédible nécessite beaucoup de moyens.
DNA n’est-il pas adossé à une entreprise de communication (pour diversifier les revenus) ? Quel était le modèle économique de DNA ?
DNA est une entreprise qui possède son registre de commerce, qui paie ses charges et ses impôts, mais nous n’avons pas de régie publicitaire. Notre modèle économique repose sur les seules ressources de la publicité.
500.000 visites par mois, c’est quand même un bon chiffre de fréquentation. Qu’est ce qui a, selon vous, rendu les annonceurs réticents ?
Oui l’audience ne nous a pas fait défaut. J’estime que 500.000 visites par mois pour un site qui a disposé de très peu de moyens, est une audience appréciable. Le temps moyen passé par un internaute sur notre site est de 5 minutes 21 secondes. Ce qui dénote encore une fois de la fiabilité de DNA. Mais plus que le nombre de visites, c’est davantage la crédibilité dont jouit le site qui nous fait plaisir. Je le constate aujourd’hui avec les messages de sympathie et de soutien que nous avions reçu à l’annonce de la parution de DNA.
Dans l’annonce de la cessation de DNA, vous laissez entendre que des pressions ont été exercées par les annonceurs pour exiger ou suggérer un changement de ligne éditoriale.
Nous avons, depuis le lancement du site, démarché à maintes reprises tous les annonceurs qui s’affichent dans la presse algérienne. Nous avons également contacté les régies publicitaires présentes dans le pays. J’ai personnellement discuté ou rencontré des patrons d’entreprises. Tous s’accordent à dire qu’ils sont de fervents lecteurs de DNA, tous s’accordent à dire que le site est sérieux et crédible, mais ils sont réticents à s’afficher sur le site parce qu’ils estiment que notre ligne éditoriale est trop critique et trop virulente à l’égard du pouvoir algérien. Certains m’ont dit qu’ils ont peur que le fisc ou les impôts leurs tombent dessus, d’autres redoutent des pressions de la part des autorités. Je comprends tout à fait leurs craintes. Ils auraient sans doute aimé que la ligne éditoriale soit moins virulente. Plutôt que de changer de ligne pour contenter les annonceurs, nous avons décidé de mettre un terme à l’aventure.
Le registre de commerce de DNA est enregistré en Algérie ou en France ?
La société éditrice de DNA est enregistrée en France vu que j’y réside depuis plusieurs années. Cela étant dit que l’on soit domicilié en Algérie, en France ou ailleurs dans le monde, n’entrave pas l’activité du média dès lors que celui-ci active légalement. Regardez les chaînes télés EnnaharTV et Echourouq TV, elles sont domiciliées au Moyen-Orient ce qui ne les empêche pas de travailler « légalement » en Algérie et de brasser de la publicité.
Allez-vous revoir le modèle économique pour une éventuelle reprise ?
Non. La question n’est pas d’actualité. DNA dans sa forme qu’elle a connu de juin 2010 à février 2013 est arrivée à son terme.