La Cour européenne des droits de l’Homme a bloqué son transfert en Jordanie et a forcé le gouvernement britannique à le remettre en liberté.
Le chef terroriste d’origine palestinienne, Abu Kutada, de son vrai nom Omar Mahmoud Othmane Abou Omar, a quitté lundi en fin de soirée la prison de Long Lartin, dans le centre de l’Angleterre. Sa libération intervient à la suite d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) qui a bloqué son extradition vers la Jordanie, où il est craint qu’il soit torturé. En Algérie, ce prêcheur radical est connu pour avoir cautionné le massacre de civils, pendant la décennie noire. Des figures notoires du GIA, comme Djamel Zitouni et Antar Zouabri, se sont inspirés de ses prédications pour commettre des carnages innommables qui ont coûté la vie à des dizaines de milliers d’Algériens.
Aujourd’hui, de nombreux médias britanniques évoquent cet épisode tragique dans l’histoire de notre pays, pour noircir le trait de ce personnage impénitent. “Il a émis des fetwas appelant à l’assassinat “justifié” non seulement des fonctionnaires, des policiers et des soldats, mais aussi de leur épouse et de leur famille. Il a donné son imprimatur spirituel au groupe islamique armé, qui a tué entre 150 000 et 200 000 personnes. De nombreuses victimes avaient la gorge coupée”, rappelle le quotidien The Telegraph dans un article sous le titre : “un démon en liberté”. Ce journal, comme l’ensemble de la presse anglaise, s’est élevé contre l’élargissement d’Abu Kutada et a accusé le gouvernement britannique d’avoir échoué son transfert en Jordanie où il est réclamé pour sa participation à la préparation d’attaques terroristes durant les années 1990. Au cours de cette période, le chef terroriste distribuait “ses conseils” aux groupes terroristes, en toute quiétude. “Ces incitations au meurtre ont eu lieu à Londres, sous le nez des services de sécurité britanniques”, observe The Telegraph qui ajoute par ailleurs qu’Abu Kutada n’a jamais dissimulé sa haine pour la Grande-Bretagne, où il a obtenu l’asile politique en 1994, en affirmant deux ans avant les attentats du World Trade Center, qu’à l’instar des Américains, les Britanniques doivent être attaqués car leur sort est similaire à celui des juifs et ils doivent être aussi exterminés. Cette fetwa compte parmi tant d’autres que le prédicateur a émis de son QG, la mosquée de Finsbury Park, au nord de Londres.
Il avait fait équipe, dans ce lieu, avec son acolyte égyptien, Abu Hamza. Tous les deux avaient pris en charge la formation de jihadistes algériens, qu’ils ont envoyés par la suite en Afghanistan et dans l’enclave russe de la Tchétchénie. En dépit des alertes qu’ils ont reçues de la part de leurs homologues algériens, les services britanniques de sécurité ont laissé faire les deux hommes. “C’est seulement après le 11 septembre et les bombes de 2005 à Londres qu’Abu Kutada a été jugé dangereux”, rappelle la presse londonienne. Le prêcheur de l’apocalypse avait applaudi les attentats kamikazes aux USA et a apporté son soutien au numéro un d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden. Son implication indirecte dans ces opérations a été confirmée par la police allemande qui a retrouvé des exemplaires de ses prêches dans l’appartement de Mohamed Atta, le kamikaze égyptien. Qualifié par un juge espagnol de bras droit de Ben Laden en Europe, Abu Kutada figure également sur une liste établie par l’ONU de chefs terroristes associés à Al-Qaïda. Le gouvernement britannique estime qu’“il représente une menace sérieuse pour la sécurité du Royaume-Uni”. Avant-hier, le Premier Ministre, David Cameron, a indiqué que l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme a provoqué une “grande frustration”.
Il a révélé s’être entretenu avec le roi Abdallah de Jordanie et a examiné avec lui les différentes options permettant l’extradition d’Abu Kutada. Une délégation du Home Office (ministère de l’Intérieur) doit se rendre en Jordanie pour recueillir des assurances supplémentaires, susceptibles de satisfaire la CEDH. En attendant, le chef terroriste palestinien a rejoint son domicile de Wembley, au nord de Londres. Sa remise en liberté est néanmoins assortie d’une série de mesures restrictives. Il est autorisé à quitter son lieu de résidence pendant une heure seulement dans la journée. Abu Kutada est, par ailleurs, interdit de se rendre à la mosquée, d’utiliser le téléphone ou internet. Ses proches parents, uniquement, sont autorisés à lui rendre visite.
S. L.-K