Ebullition en pleine campagne électorale, Course pour éteindre les feux de la protesta

Ebullition en pleine campagne électorale, Course pour éteindre les feux de la protesta

En Algérie, la «protesta» n’est jamais loin lorsque se préparent de grands événements politiques dont les élections. Cette foisci encore, avec une campagne électorale pour la présidentielle qui boucle sa première semaine, les revendications sociales, parfois sous forme de débrayages surprises, sont au rendez-vous.

«Ce n’est pas normal, une situation pareille», estime un cadre dirigeant de l’entreprise du Métro d’Alger (EMA). Hier samedi, les travailleurs de la RATP El-Djazaïr étaient entrés dans leur troisième jour de grève, à l’appui de revendications salariales.



Les travailleurs de la RATP El-Djazaïr, exploitante du métro algérois, exigent notamment une hausse du salaire de base et, surtout, l’introduction de primes «dans nos fiches de paie», a indiqué un syndicaliste. Le moment choisi pour ce débrayage prête en effet le flanc à beaucoup de lectures, même si la centrale syndicale UGTA qui soutient un 4ème mandat du président Bouteflika tente de ramener le calme au sein de ses troupes dont les travailleurs de la RATP El-Djazaïr. «Pourquoi maintenant? Ils sont jeunes, ils ont tous un contrat CDI», s’interroge par ailleurs le même cadre à l’EMA.

Si la grève des travailleurs qui assurent l’exploitation du métro d’Alger se poursuit toujours en dépit de l’intervention des cadres de la centrale, celle des cheminots, qui avait paralysé durant quatre jours le trafic ferroviaire national, a été interrompue après des négociations très dures. Un des responsables syndicaux de la SNTF avait répliqué au directeur général, quand celui-ci avait répondu que l’entreprise n’avait pas les moyens de payer 36 mois de rappel à 12.000 employés, «d’aller chercher l’argent au ministère (des Transports)».

Coïncidence ou pas, ces mouvements sociaux ont éclaté alors que débutait la campagne électorale. Et puis, le secteur des transports est celui qui a été le plus visé par ces mouvements sociaux, puisque les aérienne algérienne Air Algérie avaient, eux également, observé jeudi dernier un mouvement de grève, toujours à l’appui de revendications salariales. La reprise du travail s’est faite assez rapidement, mais après que le directeur général Mohamed Salah Boultif intervient personnellement pour rassurer les pilotes et leur promettre que leurs revendications seront satisfaites.

En fait, c’est là une véritable course pour éteindre les feux de la «protesta » que sont en train d’opérer plusieurs entreprises et secteurs économiques sensibles, alors que les responsables sont en campagne électorale. «Le moment est idéal pour arracher des concessions de l’administration », estime par ailleurs un cadre dirigeant qui s’interroge sur la finalité des ces grèves qui «donnent une image catastrophique «du pays aux observateurs étrangers, au moment où six candidats sont en campagne électorale pour vendre «le label démocratique » algérien.

Et puis, le clou a été enfoncé par la montée au front des éléments de la garde communale, toujours insatisfaits par rapport aux propositions du gouvernement. Un bras de fer qui pèse en fait sur le ministère de l’Intérieur, au moment où celui-ci est sollicité de toutes parts pour que cette présidentielle ne soit entachée d’aucune irrégularité.

A moins que ces élections n’intéressent pas les Algériens et que des franges importantes de travailleurs n’en exploitent la portée politique pour aller négocier en force et obliger les pouvoirs publics à des concessions qui, en temps normal, ne seraient pas accordées. Sur un autre registre, ces mouvements sociaux montrent clairement que parfois l’UGTA n’arrive pas à ramener le calme ni une difficile paix sociale.

A l’instar de cette grève des travailleurs de la RATP El-Djazaïr qui, de toute évidence, montre que l’arrivée massive de jeunes dans les entreprises est en train de changer la donne quant au pouvoir de la centrale dans le monde du travail, en pleine mutation.

Yazid Alilat