E-santé en 2019: Scepticisme chez les professionnels

E-santé en 2019: Scepticisme chez les professionnels

Le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière compte lancer, au courant de l’année prochaine, une stratégie nationale de e-santé. Le projet mis en place en collaboration avec l’OMS est en phase de préparation d’une réglementation permettant la facilitation de la gestion des données médicales. Les professionnels du secteur sont, cependant, sceptiques et estiment que la médecine gratuite et les nouvelles technologies ne font pas bon ménage.

Salima Akkouche – Alger (Le Soir) – Pouvons-nous réussir le e-santé avec le système de la médecine gratuite ? La réponse du professeur Belhadj, président du Syndicat national des enseignants chercheurs universitaire (SNECHU), est sans équivoque : c’est non. L’équation médecine gratuite et les nouvelles technologies, dit-il, ne peut pas marcher dans un secteur caractérisé par l’absentéisme, l’anarchie dans la maintenance, l’endettement avec les sociétés publiques ou privées, vol, dégradation permanente du matériel…

«Nous n’avons pas encore réussi le e-paiement dont on parle depuis des années alors qu’en est-il d’un secteur où l’on n’a pas encore réussi à créer une séctorisation ?», a expliqué le professeur. D’ailleurs, dit-il, beaucoup de citoyens ne disposent pas encore d’un identifiant de la Sécurité sociale. Selon lui, «on ne peut pas lancer quelque chose de sérieux dans l’informel». C’est pourquoi, son syndicat, dit-il, a proposé, déjà plusieurs fois et depuis des années, aux différents ministres qui se sont succédé à la tête du ministère de la Santé de commencer cette expérience dans le secteur privé d’abord et, par la suite, le public suivra.

«Avec les moyens actuels dont dispose le secteur public nous ne ferons que tourner en rond», estime le professeur. Et de poursuivre : «Nous avons déjà fait cette proposition à quatre ou cinq ministres pour leur demander de commencer d’abord par le secteur privé et les hôpitaux en intra-muros car avec la politique actuelle, il est impossible de lancer cette expérience dans un secteur qui est déserté de son personnel à 16h et qui n’arrive même pas actuellement à sauvegarder son matériel médical. Pouvons-nous gérer un système informatisé dans les urgences à 4h du

matin ? Cela demande beaucoup de logistique et beaucoup d’argent, ce que nous ne pouvons pas assurer avec la politique de la gratuité des soins.» Pire, dit-il, le secteur n’a même pas réussi à gérer les pointeuses avec les actes de vandalisme dont ils font l’objet.

Le projet de e-santé, selon lui, peut être appliqué à la médecine basique. Pour l’appliquer au dossier électronique du malade, l’initiative a encore beaucoup de chemin, selon le professeur qui dit que le secteur n’arrive pas à gérer le registre des sorties et des entrées des malades. «Pour gérer les détails scientifiques, nous avons encore du chemin», estime le chef de service de la médecine légale au CHU Mustapha. Pourtant, dit-il, on peut profiter pour faire des choses puisque la jeunesse d’aujourd’hui manipule parfaitement l’outil informatique. Une démarche qui peut aussi être appliquée pour faire de la prévention, de l’éducation thérapeutique et de la consultation à distance.

Avec le e-santé, dit-il, «nous pouvons assurer une traçabilité, disposer de chiffres et de statistiques fiables sur l’échelle nationale, diminuer les erreurs médicales et le gaspillage, faciliter la recherche scientifique».

Le professeur Belhadj estime que l’expérience de l’informatisation de la carte d’identité et du passeport biométrique peut être généralisée au secteur de la santé en commençant par l’informatisation des petits circuits en interne.

S. A.