Durcissement des contrôles sur les transferts de devises : État d’alerte ou simple effet d’annonce ?

Durcissement des contrôles sur les transferts de devises : État d’alerte ou simple effet d’annonce ?

La multiplication d’annonces de nouvelles mesures pour renforcer les contrôles sur les transferts de devises découle-t-elle d’une alerte générale face à un éventuel emballement des fuites de capitaux ou est-elle une simple manœuvre ou une diversion pour contenter certaines revendications du mouvement populaire ?

en évacuant tout soupçon d’amplification de transferts illicites de fonds vers l’étranger, l’Exécutif en charge de la gestion des affaires courantes n’a cessé, ces derniers jours, de diffuser, à travers ses différents démembrements, instructions et communiqués pour annoncer l’instauration de nouveaux dispositifs pour détecter d’éventuelles tentatives de fuite de capitaux.

C’est ainsi qu’après la récente mobilisation des services des impôts pour renforcer les procédures de contrôle sur les flux de devises entre sociétés, le ministère des Finances vient d’annoncer, à son tour, de nouvelles mesures dans ce domaine, soit la mise en place de toute une nouvelle structure composée de représentants de diverses institutions, pour surveiller l’évolution des opérations de transfert de devises vers l’étranger.

Tel qu’indiqué dans un communiqué officiel diffusé avant-hier soir, “un comité de veille, chargé de suivre l’évolution des transferts en devises vers l’étranger, vient ainsi d’être mis en place, dans le souci, est-il précisé, de renforcer la vigilance en matière de transactions financières avec le reste du monde”. Composée de hauts fonctionnaires du ministère des Finances, de représentants de la Banque d’Algérie et de représentants de la communauté bancaire (Abef), cette nouvelle instance, est-il encore indiqué, aura pour mission de “s’assurer que les opérations de transfert en devises par les banques, en tant qu’intermédiaires agréés, sont exécutées dans le strict respect de la réglementation des changes édictée par la Banque d’Algérie”.

En ce sens, rappelle le ministère des Finances, les opérations de transfert de devises concernées par ce nouveau dispositif de surveillance sont celles transitant via le canal bancaire, soit les transferts liés au règlement de transactions d’importation de biens et services, ceux effectués dans le cadre d’investissements à l’étranger par des opérateurs résidant en Algérie et, enfin, les transferts de dividendes issus d’investissements directs étrangers en Algérie. En revanche, s’agissant des opérations d’exportations physiques de billets de banque — c’est-à-dire des cas de transferts de cash —, celles-ci, se contente d’indiquer le ministère des Finances, sont soumises à “un contrôle strict au niveau des postes frontaliers par les services compétents”. Intervenant sans doute en réaction à l’amplification de soupçons et de dénonciations, émis sur la place publique, sur des cas présumés de fuites colossales de capitaux engageant des oligarques liés au clan du Président déchu, les nouvelles mesures édictées en vue d’un contrôle sévère sur les transferts de devises laissent, pour le moins, perplexe, sinon sur leur crédibilité, du moins sur les motivations qui les sous-tendent.

Outre ce tout nouveau “haut comité de vigilance” mis en place avant-hier par le ministère des Finances, la Direction générale des impôts (DGI), faut-il en effet le rappeler, avait lancé, quelques jours auparavant, une espèce d’alerte générale à l’adresse de l’ensemble de ses services (DGE et directeurs de wilaya), afin de durcir leur contrôle sur toute demande d’attestation de transferts de devises par des sociétés locales ayant des liens juridiques ou autres avec d’autres entités implantées à l’étranger. Que faut-il y voir exactement ? De simples effets d’annonce destinés à conforter les promesses, jusqu’ici vagues, du vice-ministre de la Défense qui s’est engagé à sévir contre tout soupçon d’enrichissement illicite ou de corruption ? Ou alors une véritable alerte née d’un réel emballement des fuites de capitaux que les services compétents auraient effectivement constaté ces dernières semaines ? D’ordinaire seule compétente à exercer un contrôle sur les opérations de changes, la Banque d’Algérie, est-il utile de le rappeler ici, avait pourtant assuré récemment qu’aucun emballement des transferts de devises à l’étranger n’avait été constaté ces derniers mois, en comparaison avec les périodes précédentes.

Or, les fléaux très répandus et très dommageables de fuites de capitaux, faut-il en définitive le souligner, passent souvent, et depuis bien des années, par des pratiques autrement plus sophistiquées et moins contrôlées d’importations frauduleuses, de surfacturations et de créations à l’étranger de sociétés de services “écrans”.

Akli Rezouali